Pour réduire les émissions de CO2 de 55 %, l’Union européenne vient de se doter du programme Fit for 55. Tour d’horizon des mesures envisagées.
Le programme Fit for 55 de la Commission européenne, présenté mercredi dernier, est constitué par des textes législatifs, des dossiers explicatifs, des fact sheets et des FAQ (« frequently asked questions »), et cela pour chaque aspect de la vaste initiative. Cette forêt cache un arbre monstre, l’introduction d’un nouvel Emission Trading Scheme (ETS) s’adressant aux secteurs du chauffage et du transport – sujet controversé que nous avons couvert dans le woxx de cette semaine (Racheter le climat). Mais de nombreuses autres mesures proposées méritent qu’on s’y attarde.
Il y a tout d’abord le resserrement de l’ETS existant, celui couvrant les entreprises énergivores. Rappelons que ce système a connu son lot de tricheries, certaines relevant de la criminalité organisée, d’autres de la complaisance des administrations publiques. Le prix qu’il était supposé établir pour les émissions de CO2 est longtemps resté extrêmement bas, en dessous de dix euros par tonne.
Permis gratuits et CBAM pour l’industrie
Cet ETS, qui semble désormais fonctionner de manière satisfaisante, doit contribuer au nouvel objectif européen, plus ambitieux, d’une baisse de 55 % des émissions de CO2 en 2030. Pour cela, la Commission baissera en une fois le nombre total des permis d’émission, puis accélérera le taux auquel les émissions restantes baissent chaque année. Notons que les quantités exactes restent à négocier avec le Parlement européen et les États membres. Le journal en ligne Euractiv cite Agnese Ruggiero de l’ONG Carbon Market Watch, qui estime qu’à l’avenir il faudrait une réduction annuelle de 3,1 % (contre 1,74 % entre 2013 et 2020).
Pour répondre aux plaintes de l’industrie sur le désavantage compétitif que constitue ce « prix du carbone », la Commission propose d’introduire le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism, CBAM). Il s’agit d’une mesure logique, mais longtemps décriée comme protectionniste par les idéologues du libéralisme : on impose une taxation sur les produits importés, à hauteur des frais que supportent les entreprises européennes à cause de l’ETS. La Commission insiste sur le fait que le CBAM devrait se substituer à l’attribution gratuite d’une partie des permis d’émissions à l’industrie, mais prévoit de conserver cette dernière pratique jusqu’en 2036.
La Commission était aussi attendue du côté de deux secteurs à ce jour peu encadrés par les politiques climatiques : le transport maritime et l’aviation. Les émissions des navires devraient à l’avenir être incluses dans l’ETS industriel, mais du côté de l’introduction de taxes sur le gazole lourd et le kérosène, des annonces claires font défaut. La Commission préfère imposer un accroissement de la teneur en « agrocarburants » et se montre timide quand il s’agit de batailler avec les pays membres dans le domaine de la taxation, où l’unanimité est requise.
Puits de carbone et rachats d’énergies renouvelables
Fit for 55 entend également encadrer l’utilisation des terres, notamment les forêts et les zones agricoles. En effet, en plus des baisses d’émissions, les « puits de carbone » doivent aider à atteindre l’objectif de 55 %. Il s’agit de la préservation et de l’extension de la biomasse, surtout forestière, qui permet de fixer du CO2. Cette approche est vue d’un œil critique par les ONG environnementales, car les possibilités de fraude et d’effets pervers y sont nombreuses.
Enfin, le paquet de la Commission comprend une révision des objectifs en matière de production d’énergies renouvelables, avec désormais un objectif de 40 % en 2030 (au lieu de 32 %). Comme pour les baisses d’émissions, les efforts de développement des énergies renouvelables étaient par le passé répartis entre les pays membres. Cependant, la Commission semble envisager d’autres approches, plus « efficaces en termes de coût », permettant notamment à des pays à la traîne de « racheter » les accomplissements de pays plus appliqués en matière d’énergies renouvelables. Une possibilité en général rejetée par les ONG environnementales, mais dont le Luxembourg est très friand, y compris avec des ministres vert-e-s aux commandes.