Liberty Steel : L’indécis

Le temps presse : même si l’usine de Dudelange fonctionne bien en ce moment, la solvabilité de son patron est une menace pour son avenir. Pourtant, le ministre de l’Économie ne veut toujours pas décider de la voie à prendre.

Photos : Ministère de l’Économie

Un huis clos total a été demandé par le ministre pour cette séance de la commission parlementaire de l’Économie, très attendue pourtant. Franz Fayot avait en effet promis d’intervenir en personne sur le sujet épineux de l’« avenir du site de production Liberty Steel » à Dudelange. Alors qu’en France, en Belgique comme au Royaume-Uni les voix s’élèvent pour du moins nationaliser temporairement et partiellement les usines rachetées en un temps record par Sanjeev Gupta, le patron de GFG Alliance et de Liberty Steel dont l’empire industriel est en train de tanguer suite à la défection de son financier Greensill, le grand-duché semble avoir du mal à se trouver une voie.

C’est du moins ce qui est à retenir de la commission parlementaire, où les député-e-s, malgré leurs questions et interventions, n’ont pas obtenu de plan concret de la part de Franz Fayot. Selon nos informations, le ministre serait bien conscient du fait que le château de cartes de Gupta est sur le point de tomber. Il aurait aussi mis en avant que le site de Dudelange, qui travaille en binôme avec celui de Liège, fonctionne bien – mais que des problèmes d’approvisionnement en Belgique commenceraient à impacter aussi l’usine de Dudelange.

Une nationalisation de Dudelange n’est pas exclue

Au grand dam des parlementaires, le ministre – qui se serait montré très à fleur de peau face à certaines interventions plus musclées – s’est cantonné à répéter le mantra que son ministère prêche à la presse depuis des semaines : « Nous étudions toutes les pistes, nous parlons à tout le monde, rien n’est exclu. » Donc, même pas une nationalisation du site, comme nous avons pu l’apprendre, même si le ministre de l’Économie n’a mis cette option sur la table que suite à la question d’un-e parlementaire.

Franz Fayot est aussi resté vague sur les contacts éventuels de son ministère avec ses homologues étrangers. Le dialogue serait là, mais rien de concret n’aurait été retenu jusqu’ici. Et pourtant le temps presse, et les syndicats demandent des perspectives concrètes, comme nous avons pu l’écrire dans notre édition en ligne ce mercredi. D’autant plus que Liberty Steel a déjà profité d’un prêt magnanime de 20 millions d’euros garanti par l’État dans le cadre des mesures anti-Covid19. Un prêt qui pourrait bien éclater au visage de Gupta et donc engager les finances publiques.

De toute façon, ce n’est pas la première fois que le gouvernement ou ses représentants sont intervenus dans le destin du site de Dudelange. La vente à Liberty Steel elle-même a été un thriller économico-politique à l’époque. Alors que le site se trouvait dans le giron d’Arcelormittal, le gouvernement et son représentant au conseil d’administration (notamment le ministre de l’Économie de l’époque Étienne Schneider et son prédécesseur Jeannot Krecké) ne sont pas intervenus pour empêcher sa vente. Une vente qui n’était pas due à la conjoncture économique, mais juste motivée par l’appétit d’Arcelormittal de se payer l’usine Ilva à Tarente en Italie – molosse aussi énorme que polluant. À l’époque, la Commission européenne avait forcé Arcelormittal à se séparer de certaines de ses usines avant qu’elle donne son feu vert, pour éviter une position dominante. Après des années de tergiversations, Arcelormittal vient de trouver un arrangement avec l’État italien et sa société Invitalia, qui en 2022 va devenir majoritaire dans la société d’investissement AM InvestCo, mise sur pied par Arcelormittal pour racheter Ilva. Le groupe de Lakshmi Mittal pourrait donc en théorie reprendre aussi le site de Dudelange. Ce serait peut-être le moment pour Étienne Schneider, qui siège en ce moment au conseil d’administration d’Arcelormittal pour l’État luxembourgeois, de se racheter et de pousser le groupe à sauver les usines qu’il a délaissées auparavant.


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