Le Luxembourg doit bouger sur la question de l’accès au marché du travail pour les demandeurs et bénéficiaires d’asile, insiste le « Flüchtlingsrot ».
Nous ignorons tout de la vie de migrant, de demandeur d’asile, de réfugié. Pour les uns, c’est l’occasion de se refaire une vie, pour les autres, ce sont des mois, parfois des années d’attente, de dépendance, d’isolement, de sentiment de gâchis, souvent de dépersonnalisation. Dans ces conditions, trouver du travail est comme un retour à la vie, à l’autonomie, à l’anonymat au sein de la masse salariale, à la dignité aussi. Même si, pour les demandeurs de protection internationale, beaucoup continuent à vivre sous la menace d’une reconduction prochaine.
Globalement toutefois, le travail constitue « un puissant facteur d’intégration sociale », comme le souligne le Flüchtlingsrot (LFR) à l’occasion de son bilan annuel. Travailler confère une « identité sociale et une appartenance ».
Mais la réalité est que sur les 1.152 personnes qui se sont vu attribuer le statut de protection internationale et les 54 autres bénéficiant de la protection subsidiaire, 26 sont employées, ou du moins ont reçu une autorisation d’occupation temporaire (AOT). Sauf que de ces 26, seuls 11 sont des renouvellements…
Qu’est-ce qui ne va pas ? Pour le LFR, il y a deux éléments qui expliquent pourquoi au Luxembourg si peu de migrants travaillent : l’absence de préparation au marché de l’emploi et « la réelle difficulté, voire l’impossibilité » d’obtenir une autorisation de travail temporaire – et ce alors que le marché de l’emploi est en bonne santé, comme ne manque pas de relever le collectif.
Pour donner une idée des conséquences négatives de l’inactivité des demandeurs (DPI) ou bénéficiaires de la protection internationale (BPI), le Flüchtlingsrot a rassemblé certains exemples, parmi lesquels le sentiment d’incompétence, la perte de l’expérience acquise dans le pays d’origine, le stress, le désœuvrement, la dévalorisation, la dépression. Et découlant de cette situation, toute une économie souterraine (travail au noir), délinquance (vente de stupéfiants) ou traite (prostitution). Voilà pour ce qui est de la situation de beaucoup de gens pendant la procédure. En cas d’octroi du statut de réfugié, beaucoup sont dans une inadaptation au marché du travail, s’ils n’ont pas déjà perdu toute motivation. Inutile de préciser qu’ils sont dans un grand plus besoin d’être assisté et d’avoir recours au Revis pour subsister et que souvent, et en dépit de leur présence assez longue au pays, on constate une méconnaissance du marché du travail.
Inversement, l’intégration professionnelle permet d’avoir une perspective et de ne pas vivre dans « l’angoisse permanente liée à l’incertitude administrative ». Elle permet aussi de maintenir ses compétences à niveau, et en cas d’octroi du statut de réfugié, de quitter le foyer (ou la moitié restent bloqués, en raison de la pénurie de logements abordables que nous partageons tous), de gagner sa vie et de se sentir utile.
Le SHUK indigne
Pour faciliter l’accès au marché du travail pour les DPI ou BPI, le LFR exige donc de mettre en place un diagnostic individualisé avec des séances d’information et des ateliers, un cadre légal et de favoriser l’accès à la formation professionnelle des DPI. Le LFR exige aussi une réforme de la procédure AOT, la suppression de la préférence communautaire, la mise en place d’un point de contact qui soutient les patrons qui voudront introduire une AOT et l’octroi de plus grandes garanties aux employeurs qui engagent des DPI dans le cadre d’un apprentissage.
Lors d’une conférence de presse du LFR, place de Clairefontaine, jeudi, il aura également été question de la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (SHUK), dont le collectif dénonce l’aspect dissuasif et contraire à l’accueil, en exigeant « l’égalité de traitement entre tous les DPI ». Cette structure, qui accueille des personnes potentiellement « transférables », exposerait ses locataires à une promiscuité indigne d’un pays riche comme le Luxembourg. Enfin, le LFR a insisté sur la mise en place rapide d’un « dispositif d’accompagnement au retour personnalisé », rappelant que le 20 mai dernier, un migrant érythréen débouté au Luxembourg est mort percuté par une voiture, alors qu’il sautait d’un camion roulant de Calais vers Dunkerque.