Nucléaire – sortie ou rentrée ? : Énergie fantôme

Sortie du nucléaire en Allemagne, relance en France. Tour d’horizon des avancées de cette ressource énergétique controversée et mise en contexte.

Le samedi 15 avril 2023 entrera-t-il dans l’histoire comme le début de la fin de l’énergie nucléaire ? C’est en tout cas le jour où l’Allemagne parachèvera sa sortie, après une ultime prolongation pour trois réacteurs dans le contexte de la guerre en Ukraine. Rappelons qu’auparavant, une première sortie avait été décidée en 2000 par Rot-Grün, annulée par Angela Merkel en 2010 et relancée par la chancelière en 2011, en réaction à la catastrophe de Fukushima. Un zigzag politique qui nous rappelle que les dates historiques ne se déterminent pas au présent, et que des revirements, dans un sens comme dans l’autre, sont toujours possibles.

L’Europe en jaune et vert

Actuellement, malgré la sortie allemande, l’énergie nucléaire semble avoir le vent en poupe. Ainsi, l’Union européenne l’a incluse, avec le gaz naturel, dans sa taxonomie verte des « investissements durables » − une décision contre laquelle des procédures juridiques sont en cours à l’initiative de l’Autriche (soutenue par le Luxembourg) et de Greenpeace. La proposition de réforme du marché européen de l’électricité, supposée stabiliser les prix après un an et demi de flambée, pourrait également favoriser le nucléaire. Comme le rapporte Euractiv, la Commission prévoit en effet des « couloirs de prix », avec non seulement des plafonds, mais aussi des planchers : de tels prix minimaux, garantis par les budgets publics, réduiraient les risques à moyen terme liés aux investissements nucléaires. La France espère même subventionner ainsi ses anciennes centrales, rentabiliser le prolongement à 60 ans de leur exploitation et renflouer les caisses d’EDF.

Toujours au niveau européen, la bataille fait rage autour du « Net Zero Industry Act » : la Commission européenne n’a pas inclus le nucléaire dans les « technologies stratégiques » permettant de réduire les émissions de CO2 de l’industrie. Or, une des applications promues par les pronucléaires est justement la production par électrolyse d’hydrogène « vert-jaune », utilisable notamment dans les processus industriels.

L’affirmation que « chaque mégatonne de CO2 économisée compte » des militant-es climatiques peut facilement être reprise comme argument en faveur du nucléaire, alors que les émissions qui y sont liées sont nettement plus faibles que pour les ressources carboniques. C’est ce qu’a fait le directeur de l’Agence internationale de l’énergie Fatih Birol, en déclarant lors d’une conférence que les États membres de l’UE opposés au nucléaire « devront s’asseoir et faire une autocritique sérieuse » (Euractiv). C’est aussi ce que font les adeptes du nouveau mouvement « éco-moderniste » RePlanet : d’après le « Guardian », ils et elles sont favorables au véganisme et aux « solutions technologiques » comme les organismes génétiquement modifiés et… le nucléaire. Et auraient contribué au revirement d’opinion aux Pays-Bas et en Finlande, où même le parti vert s’est déclaré en faveur de cette ressource énergétique en 2022.

Plus près du Luxembourg, le gouvernement belge (avec participation des partis verts) a entamé la procédure pour prolonger l’exploitation des réacteurs Tihange 3 et Doel 4. Surtout, la centrale de Cattenom, pourtant affectée par de multiples pannes et défauts, doit voir son autorisation d’exploitation étendue jusque vers le milieu du siècle. Or, malgré ces « avancées » pronucléaires, tout le monde n’est pas convaincu que s’amorce une « renaissance » de cette forme d’énergie.

« Un rôle qui a diminué jusqu’à l’insignifiance au sein du marché des technologies de production d’électricité », c’est ainsi qu’est qualifiée l’industrie nucléaire dans une interview de Mycle Schneider. L’expert publie depuis 2007 un rapport annuel sur l’état du nucléaire dans le monde – celui de 2022 avait été présenté dans le woxx 1704. Sur le site d’information technologique allemand, il revient sur l’enthousiasme pronucléaire apparent : « L’énergie atomique est une promesse séduisante, (…) mais fait l’impasse sur des principes de base de la physique, de l’ingénierie et de l’économie. » Il estime que les projets de construction de nouveaux types de réacteurs comme les EPR2 ou les « petits réacteurs modulaires » sont trop chers et trop longs à mettre en œuvre pour pouvoir contribuer aux réductions d’émissions de CO2. Et rappelle que même dans les enquêtes d’opinion françaises, la popularité des énergies solaire et éolienne dépasse de loin celle du nucléaire.


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