Ministre de l’aéroport durable : Il l’a pas volé !


Les victimes du bruit aérien se mobilisent. François Bausch défend « son » Findel, alors qu’il était de leur côté il n’y a pas si longtemps.

Boeing 747-400 : 
je fais moins de bruit, donc je vole plus souvent la nuit. (Photo : Wikimedia / Arpingstone / PD)

Boeing 747-400 : 
je fais moins de bruit, donc je vole plus souvent la nuit. (Photo : Wikimedia / Arpingstone / PD)

Quand il est dans l’opposition, un parti ne doit pas trop s’engager ou faire trop de promesses. C’était la position de Jeannot Krecké durant la période précédant le retour du LSAP au gouvernement en 2004. En effet, le leader parlementaire et futur ministre de l’Économie craignait moins le manque de profil politique que la perte potentielle de crédibilité. Et effectivement, grâce à ce « pragmatisme », pendant une quinzaine d’années, les revendications et les réalisations politiques du LSAP ont été cohérentes – et fort modestes. Savoir si les conseils de Krecké ont profité électoralement à son parti… euh, c’est une autre question.

D’autres partis ont fait d’autres choix. Un des domaines dans lesquels les Verts ont fait preuve d’engagement, quand ils étaient dans l’opposition, est celui du bruit aérien et des vols de nuit au Findel. En automne 2012, sur initiative du conseiller Justin Turpel (Déi Lénk), le conseil communal de la capitale avait adopté une motion demandant que « les vols de nuit soient limités au strict minimum » (woxx 1187). Le député-échevin vert François Bausch avait alors saisi la balle au bond, et, lors du débat d’orientation sur l’aviation du 15 novembre à la Chambre, avait à son tour défendu une motion soutenue par le DP, exprimant un « refus catégorique et ferme d’un trafic aérien nocturne régulier ». À cette occasion, l’actuel ministre des Transports avait aussi reproché au ministre de l’époque, Claude Wiseler (CSV), de vouloir transformer les dérogations existantes pour vols de nuit en une nouvelle norme.

Volée de bois noir

Mardi dernier, les voix critiques des nuisances causées par l’aéroport se sont fait un plaisir de rappeler ces anciennes prises de position à l’actuel ministre. L’Union des syndicats d’intérêts locaux de Luxembourg-ville (Usill), avec en première ligne les syndicats de Hamm et de Fetschenhof-Cents, avait intitulé sa conférence de presse « Le développement de l’aéroport, les inquiétudes et appréhensions des riverains ». Dès janvier 2015, elle avait adressé une lettre à Bausch, lui reprochant son « double langage ». En effet, en 2014, les vols de nuit avaient atteint le nombre record de 1.554 mouvements aériens entre 23 heures et 6 heures. Or, cette valeur a été largement dépassée dès l’année suivante avec 1.806 vols de nuit – presque cinq par nuit en moyenne. Et cela alors que le ministre avait assuré en février 2015 qu’il ciblait une baisse de cinq pour cent par rapport aux trois années précédentes (woxx 1305). En fin de compte, au lieu de baisser, le nombre a donc augmenté de 25 pour cent par rapport à la moyenne 2012-2014 !

Notons que l’Usill, à côté des déclarations que le politicien vert a pu faire par le passé, a recours à deux questions parlementaires critiques de Martine Mergen (CSV). Que la députée et conseillère à Luxembourg-ville se fasse la porte-parole des habitants victimes du bruit est tout à son honneur. Mais cela ne fait pas oublier qu’en 2012 c’était le CSV, plus que tout autre parti, qui fantasmait sur une flexibilisation des vols de nuit comme recette afin de forcer l’expansion du Findel (woxx 1189). Un rôle qui, il est vrai, a entre-temps été accaparé par le ministre vert ; le tout donnant lieu à un renversement des fronts stupéfiant.

La principale critique de l’Usill concerne – depuis des dizaines d’années – les nuisances sonores, notamment nocturnes, et leurs effets sur la santé. « C’est malheureusement encore terriblement sous-estimé, mais le bruit a un impact effarant sur la santé humaine », pour utiliser les mots de Bausch… en 2012. En deçà du niveau de bruit qui nous réveille, il y a effectivement le dérangement du sommeil occasionné par les niveaux plus faibles, conduisant l’Usill à avancer un chiffre de 160.000 personnes concernées par les vols de nuit au Findel. Et de mettre en garde, études à l’appui, sur le fait qu’une dégradation de la qualité du sommeil a des conséquences néfastes sur la vie professionnelle et la réussite scolaire, ainsi que sur le risque d’être victime de troubles cardiovasculaires.

Trahir, c’est mourir un peu

1363stoosPar ailleurs, l’Usill rappelle que le transport aérien est particulièrement polluant. Lors du décollage notamment, les avions émettent des quantités considérables de gaz toxiques et de particules fines qui affectent la santé des riverains. Enfin, l’impact sur le réchauffement climatique est loin d’être négligeable – et risque d’augmenter au vu de l’expansion actuelle du secteur du transport aérien au niveau mondial. L’union des syndicats exprime également des doutes sur la légalité de l’aéroport, car ses conditions d’exploitation ne seraient pas définies en conformité avec le droit européen. Enfin, l’Usill exige le plafonnement général du nombre de mouvements aériens et renvoie au modèle du « City-Airport », au service de l’économie nationale, mais renonçant à l’ambition de concurrencer les grands aéroports internationaux.

Hélas, ces arguments ne semblent pas impressionner celui qui, quand il était encore député, les maniait à merveille pour ennuyer ses prédécesseurs. Dans sa réponse à la plus récente question de Martine Mergen en tout cas, on ne trouve aucune trace de conscience écologique. Pourtant, au micro de 100,7, François Bausch affirme : « Je n’ai aucunement changé d’opinion en ce qui concerne les vols de nuit. » Simples paroles en l’air, comme quand il justifie l’augmentation du nombre de vols de nuit ? La raison qu’il donne – la reprise du trafic aérien après la crise – explique que le total annuel des mouvements aériens s’établit à nouveau autour de 85.000 par an. Mais le total des vols de nuit, à 1.806, dépasse largement celui qu’on pouvait avoir avant 2008, et qui tournait autour de 1.000.

La mauvaise foi de Bausch face aux récentes critiques ne devrait pas étonner. Dès ses déclarations de février 2015, le woxx avait commenté : « Au fond d’un tiroir au ministère des Transports, il y a une antisèche qu’on se transmet de ministre en ministre. Qu’il s’agisse d’Henri Grethen, de ­Lucien Lux ou de Claude Wiseler, un bleu, un rose, un noir – les arguments des ministres aéroportuaires ont toujours été les mêmes. » Sans surprise, sur 100,7, le ministre vert a recours à la thèse que ce serait la faute aux habitants eux-mêmes de s’être établis trop près de l’aéroport. Et dans sa réponse à Mergen, il ressort l’argument massue de « l’importance de l’aéroport pour l’emploi et le PIB du pays ». En feignant d’oublier, bien entendu, ses paroles d’il y a 40 mois : « Nous estimons qu’il ne faut pas faire valoir des intérêts économiques contre les intérêts de santé publique. »

La cohérence, c’est ce qui préoccupait Jeannot Krecké. Pour les Verts, dont la raison d’être est de changer les choses, inversons son raisonnement. Quand il est au gouvernement, un parti ne doit pas trop trahir ses idées, revenir sur ses engagements. Sinon, quelle crédibilité lui ­restera-t-il le jour où il se retrouvera dans l’opposition ?


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