Art et littérature : Pas seulement écrivain

Couronné par le prix de littérature national Batty-Weber en 2017, Georges Hausemer, décédé en 2018, compte parmi les écrivains les plus importants du grand-duché. Peu de ses lectrices et lecteurs savent cependant que pendant des décennies, il a aussi pratiqué le dessin et la peinture. Une exposition au Mierscher Kulturhaus vient le rappeler.

Photos : woxx

Une liste impressionnante de publications dans des genres divers, une liste non moins impressionnante de distinctions et de prix : Georges Hausemer n’avait apparemment rien de l’auteur qui hésite longtemps avant de coucher des mots sur le papier. Et pourtant, c’est bien à cette angoisse de la page blanche que remontent ses premières œuvres picturales, dans les années 1990, nous apprend l’exposition « Behescht » à Mersch. Collages et médias mixtes cherchent, avec un humour toujours présent, à amadouer la muse. Certaines des créatures bizarres ou des entrechoquements de couleurs qui parcourront ses peintures et dessins plus tard sont déjà là.

Si l’exposition adopte une présentation en « phases », les panneaux ne suivent pas forcément un ordre chronologique. Tant mieux, car on n’imagine pas, au vu du fabuleux bestiaire de Hausemer et de son éclectisme littéraire, qu’il aurait aimé être aussi conventionnel. C’est ainsi qu’on arrive après cette « frühe Phase » à la « schwarze Phase » : ces personnages ou animaux sur fond noir, rehaussés de collages où se révèlent si l’on s’approche des voyages à travers les mots, font preuve d’une grande élégance et d’un souci du détail réel. On y décèle un style, une patte qui dépassent ceux d’un écrivain occasionnellement plasticien. Hausemer se révèle pleinement les deux, tout comme dans les phases qui suivent.

L’espièglerie de l’artiste se montre également dans la bien nommée « verschwundene Phase ». Entre 1994 et 1996, Georges Hausemer peint une série d’œuvres dont les couleurs s’estompent au fil du temps. Ce pied de nez à l’art éternel aurait pu ne pas plaire aux acquéreurs et acquéreuses ; au contraire, la plupart ont vu cette technique comme un acte artistique réel, et certaines œuvres désormais n’ont de couleurs que dans la tête de celles et ceux qui ont craqué pour elles à l’époque. Dans l’exposition, quelques exemples sont à observer, et force est de constater qu’ils stimulent la réflexion sur le lien entre art pictural et littérature : au fond, que nous reste-t-il d’un livre après sa lecture, plusieurs décennies après ? On pourrait, après tout, comparer les couleurs passées aux détails oubliés de l’intrigue.

La « letzte Phase » et la « Hauptphase » proposent des œuvres peut-être plus épurées, mais toujours avec cette imagination un peu retorse ou goguenarde dans les formes des personnages. Il y a beaucoup d’humour dans les dessins et peintures de Hausemer, mais un humour pince-sans-rire, au service d’une vision décalée du monde qui sied parfaitement à un écrivain. En témoigne sa collection… de peluches de sèche-linge !

Concise mais précise dans ses panneaux explicatifs, l’exposition met en lumière le lien étroit entre deux pratiques artistiques chez un auteur grand-ducal majeur de notre temps. Le livre « Behescht. 97 komprimierte Unterhaltungsromane », édité chez Capybarabooks, vient la compléter pour s’en convaincre, alternant microromans et œuvres montrées au Mierscher Kulturhaus. Une belle initiative à visiter, d’autant que les expositions ont échappé aux mesures de fermeture décidées par le gouvernement.

Au Mierscher Kulturhaus, 
jusqu’au 20 décembre.

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