Suite du passage en revue des abondantes productions théâtrales du moment, avec le très réussi « Truckstop », une production du Centaure accueillie au Kinneksbond.
Un bar routier déserté, qu’on imagine aisément rendu obsolète par une infrastructure d’autoroutes toujours plus envahissante. Katalijne, qui souffre de troubles de la concentration, mène une vie rangée, dont sa mère, propriétaire de l’établissement, a organisé les moindres aspects. Et puis survient Remco, qui rêve d’aventures dans un camion flambant neuf et qui séduit la jeune femme. Elle et lui vont alors échafauder des plans d’avenir… que la mère de Katalijne, pas convaincue de la fiabilité de Remco, va s’employer à contrecarrer. L’autrice néerlandaise Lot Vekemans, avec cette pièce, montre une habile maîtrise de la dramaturgie. Si les deux monologues entrecroisés de la mère et de la fille au début installent une certaine attente un peu dubitative, dès que les dialogues commencent, la tension s’accroît jusqu’au dénouement final. Les mots sont ciselés et exposent à vif tant les rancœurs que les rêves d’une vie meilleure, qu’ils soient encore intacts ou déjà brisés, selon les personnages.
Dans le Kinneksbond transformé en café-théâtre pour cause de pandémie, Elsa Rauchs, en jeune femme naïve et déterminée, sort un jeu physique qui captive jusqu’aux dernières tables. Sullivan Da Silva se coule dans son rôle pour apporter un soutien efficace à sa partenaire, tandis qu’Isabelle Bonillo, voix grave et poids d’années de galère de tenancière d’un bar en déclin, fait dans le machiavélique à souhait. Quant à la mise en scène de Daliah Kentges, elle évite tout statisme, donnant à la pièce l’élan nécessaire à sa résolution. Une production où tous les éléments apportent leur contribution symbiotique au malaise : du théâtre comme on l’aime.