Backcover : Sana Murad

Elle l’a fait à nouveau : Sana Murad a créé une deuxième série de photographies pour les dernières pages du woxx. En quoi celle-ci diffère-t-elle de son premier projet ? Et quelle histoire attend les lectrices et les lecteurs ? Réponse dans cette interview.

Sana Murad présente sa deuxième série sur les dernières pages du woxx. (Photos : Sana Murad)

woxx : Sana, comment êtes-vous tombée sur cette piscine abandonnée, motif principal de votre deuxième série pour le woxx ?


Sana Murad : En 2018, j’avais reçu l’adresse de cet endroit par quelqu’un de la communauté « urbex ». À l’époque déjà, j’étais fascinée par cette piscine : la couleur, l’architecture, l’ambiance. En avril 2023, j’étais dans les alentours de cette piscine avec la même personne avec qui je l’avais visitée en 2018. Comme on n’était pas loin, on a voulu jeter un coup d’œil pour voir ce qui s’était passé à cet endroit, en croyant que la piscine aurait été démolie. On a été très surprises de voir que la piscine était encore là, toujours dans un état abandonné. L’état s’est bien sûr dégradé pendant les cinq dernières années : beaucoup de vitres cassées, plus de graffitis… Mais je la trouve encore très jolie.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement fascinée ?


L’ambiance, la couleur, la lumière qui entre par les fenêtres vert turquoise, l’architecture, surtout le toit, qui a une forme très particulière. En 2018, l’état de cet endroit était encore intact, en 2023 moins.

Quelle histoire ce lieu vous a-t-il inspirée ?


Quand j’ai revu l’endroit en avril, je savais que je voulais y revenir avec une personne pour créer des images « étranges ». Dans cette série, il s’agit d’une personne déplacée dans le contexte d’une piscine : l’outfit et le maniérisme sont étranges à un tel endroit. Le personnage est contrasté et « out of place ». Je voulais représenter ce sentiment d’« out-of-placeness », car c’est un sentiment que je ressens souvent dans ma vie.

Dans quel sens ?


Mes parents sont des immigré-es venu-es d’Inde, ce qui signifie que j’ai grandi avec une culture différente de celle de la plupart des autres personnes au Luxembourg, et que mon apparence physique est également différente.

« Je voulais représenter ce sentiment d’« out-of-placeness », car c’est un sentiment que je ressens souvent dans ma vie. »

Comment votre deuxième série diffère-t-elle donc de votre premier projet pour le woxx, « strange faces/strange places » ?


Pour la première série, j’ai plutôt regardé dans les photos que j’avais déjà prises pour créer des diptyques. Il y a un mélange de plusieurs endroits et personnages « sans visage » dans la majorité des cas. Initialement, j’avais prévu de faire la même chose pour la deuxième série. Mais en voyant que cette piscine existait encore en avril, j’ai eu l’idée de faire une série exclusive dans cet endroit magnifique. Le concept de « strange faces/strange places » est maintenu d’une certaine manière, avec la différence que c’est toujours le même endroit avec la même personne.

Concrètement, quels sont les éléments qui se répètent ?


Il s’agit à nouveau d’une combinaison d’un lieu inhabituel et d’un personnage étrange.

Pourquoi ce personnage joue-t-il un rôle bien plus important dans la nouvelle série que dans la première ?


Comme j’ai un concept, un « feeling » que je veux représenter, le personnage est important pour personnifier cela. Le modèle est Ana Carina Marinheiro, avec qui j’ai déjà travaillé plusieurs fois et qui a personnifié cette étrangeté et cet « out-of-placeness » magnifiquement. Elle est une incarnation de cette étrangeté.

En quoi le défi de photographier des lieux ou des personnes est-il différent pour vous ?


Je crois que les deux sont difficiles. Pour l’endroit, il faut trouver des angles différents et intéressants pour que la photo ne soit pas ennuyeuse. Les angles, la symétrie, la lumière, le cadrage, tout cela joue un grand rôle pour rendre l’image comme on se l’imagine. Le travail avec une personne a d’autres défis : il faut savoir bien communiquer avec elle pour créer l’ambiance qu’on veut. Le but ou le concept devraient être les mêmes pour photographe et modèle, d’où l’importance d’une communication claire avant le shoot même. Pour cette série, ça s’est très bien passé, comme je connais Ana et comme j’ai déjà travaillé avec elle. Il y a une certaine aisance et une certaine facilité.

Et qu’en est-il des modèles inconnu-es ?


Pour moi, le travail avec des personnes que je ne connais pas bien est beaucoup plus « challenging » et me demande beaucoup d’efforts. Dans cet esprit, j’ai beaucoup de respect pour mes ami-es photojournalistes qui font d’excellents portraits des politiciennes et des politiciens… Ce n’est pas du tout mon point fort.

J’imagine qu’il n’est pas évident non plus de trouver des modèles inconnu-es.


Grâce aux médias sociaux, c’est plus facile aujourd’hui qu’il y a quelques années. Après, tout dépend du projet que vous voulez réaliser. Personnellement, j’ai du mal à aborder les gens dans la rue et à leur demander une photo, si par exemple j’aime leur tenue. Ceci est particulièrement le cas au Luxembourg, où nous avons une culture plutôt fermée. En tout cas, je préfère travailler avec des gens que je connais : on a une autre relation ; c’est plus facile de réaliser mes idées. Il y a cette aisance indispensable pour un projet réussi.

La première série de Sana Murad, parue en avril 2023 dans le woxx, est nommée « strange faces/strange places ». « L’idée était de montrer des lieux et des personnes côte à côte. En général, j’aime beaucoup les diptyques qui mettent deux photos en relation. L’architecture est un thème qui me fascine, parfois j’essaie de jouer avec les formes des bâtiments ou les sites en question au moyen d’une ‘figure’ et de les mettre en scène par cette présence », disait l’artiste lors de l’interview à propos de la série. Murad pratique la photographie pendant son temps libre. Professionnellement, elle est active dans le domaine social.


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