Élection au Bundestag : Le feu ou le drapeau ?

L’Allemagne changera bientôt de gouvernement. La campagne est terne et les perspectives sont sombres.

Pixabay; Myriams-Fotos

En Allemagne, la « Groko » (« grande coalition ») − option consentie à contrecœur en 2017 par les deux grands partis traditionnels, la CDU et le SPD − vit ses dernières semaines. Il est très improbable que cette alliance de gouvernement soit reconduite à l’issue de l’élection du 26 septembre. Une alternance s’annonce donc, après quatre ans de Groko… et une décennie et demie marquée par la chancelière Angela Merkel, démissionnaire. Alors, faut-il se réjouir qu’un vent nouveau souffle bientôt outre-Rhin ? Que nenni ! Car les coalitions les plus probables en considérant les sondages et les postures politiques n’ont rien d’attrayant d’un point de vue progressiste.

Notons d’abord que, pour la première fois dans l’histoire de la République fédérale, la coalition de gouvernement à venir devrait se composer non de deux, mais de trois partis (en faisant abstraction des éphémères partis droitiers des années 1950 et de la CSU, déclinaison bavaroise de la CDU). C’est la conséquence ultime de la fragmentation du paysage politique, qui, de trois partis structurants jusqu’aux années 1970, est passé à six partis depuis le milieu des années 2010. Mais aussi de l’effondrement de la domination des deux « grands » − rappelons que, en 2013 encore, il ne manquait à la CDU que cinq sièges pour obtenir la majorité absolue au Bundestag. Cette époque est bel et bien révolue, et désormais on parie sur une coalition « Ampel » ou une des autres dénominations multicolores.

L’« Ampel », justement, est l’aboutissement le plus probable des élections à venir. Le mot signifie feu de circulation et fait allusion aux couleurs rouge, jaune et vert des partis qui la composent. En termes d’orientations politiques, cela correspond à la coalition « Gambia » en place au Luxembourg, mais avec une distribution des forces différente : le parti libéral allemand FDP est bien plus faible que le DP, tandis que le SPD se défend mieux que le LSAP. Une telle coalition compte bien entendu comme progressiste, mais risquerait aussi de voir une polarisation entre politiques sociales défendues par le SPD et politiques écolibérales défendues par une alliance vert-jaune. En effet, sur les questions économiques, le parti vert allemand est bien plus à droite que son homologue français, Déi Gréng se situant quelque part entre les deux. À défaut d’avoir élaboré une stratégie commune de transition juste, les partis vert et social-démocrate allemands ne tireraient pas dans la même direction, et le climat en ferait les frais.

L’autre constellation la plus envisageable, la coalition « Jamaika » (drapeau comportant du noir, du vert et du jaune) est encore pire : dominé par une CDU en voie de droitisation, le parti vert aurait du mal à imposer ses revendications climatiques. Du côté des questions sociétales, le FDP, plus conservateur que jamais, ne serait plus un allié fiable. Quant aux politiques sociales, il faudrait s’attendre au pire, avec un consensus des trois partis sur les principes du libéralisme économique.

À défaut de stratégie commune de transition juste, les partis vert et social-démocrate ne tireraient pas dans la même direction.

Quelles autres options ? Une Groko, longtemps mal aimée, mais arithmétiquement triviale, est rendue improbable par la faiblesse des deux « grands ». On ne la regrettera guère, mais elle donne désormais lieu à deux variantes dénommées « Deutschland » et « Kenia », sur base des drapeaux noir, rouge et « or »… ou vert. Dans ces cas, le partenaire junior n’aura que peu de poids. Cela représente moins un problème pour le très opportuniste FDP, mais le parti vert aurait beaucoup de mal à imposer son programme climatique à deux grands partis attachés au modèle économique du passé.

Quid d’une coalition de gauche ? La plus envisageable, « Rot-Grün », est improbable au vu des sondages – à moins que Die Linke loupe son entrée au parlement et permette certaines coalitions à deux. Au contraire, si le parti de gauche radicale dépasse les 5 pour cent, une coalition Rot-Rot-Grün sera arithmétiquement possible, mais politiquement improbable. Parce que Die Linke est contre l’Otan et les autres pour ? Ce n’est là qu’un prétexte, qui occulte le fait que, comme pour Rot-Grün, ce qui fait défaut, c’est un projet d’alternance élaboré en commun autour de l’idée de transition juste.


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