Perspectives progressistes : Un accord d’opposition ?

La bonne nouvelle : l’opposition parlementaire de gauche sera multipliée par cinq. La mauvaise : en ordre dispersé, avec la multiplicité de partis et de sujets, elle ne fera pas le poids.

En 2024, se rassembler face au gouvernement néolibéral de droite, pour avancer dans les domaines social, écologique et sociétal. Tout en intégrant, à la différence de ce qui se faisait en 1789, la dimension de la diversité.Jacques-(Louis David ; Serment du Jeu de paume ; PD)

Une cure d’opposition fera du bien à la gauche ! L’idée est populaire, mais discutable. Certes, quand la droite est au gouvernement, la gauche a du temps et des ressources pour approfondir et radicaliser sa réflexion. Mais ce temps, en première approche, est aussi du temps perdu, surtout en période de crise multiple, dans laquelle la droite risque d’enfoncer encore plus la société. Cela incite à tout faire pour revenir au plus vite au gouvernement – ce qui ne favorise pas vraiment une réflexion à long terme et l’élaboration de positions radicales. Pour exemple, le LSAP qui, après ses défaites de 1979 et 1999, a ménagé le CSV et modéré ses revendications afin d’être un futur partenaire « crédible ». Quant à Déi Gréng, les décennies passées dans l’opposition ont servi à laisser derrière eux leurs positions de gauche radicale et à se préparer (avant 2013) à une éventuelle coalition noir et vert. Enfin, autre obstacle à un renouvellement, dix années passées au gouvernement ont habitué les bases socialiste et verte à avaler des couleuvres, depuis les plans d’austérité jusqu’au PNEC, en passant par la politique anti-immigration européenne et celle des petits pas sur les sujets sociétaux.

Pourtant, rien que sur la base des programmes électoraux, un souffle nouveau s’annonce à gauche, notamment dans le domaine social. Face à un gouvernement appliquant les recettes néolibérales, des revendications radicales ressurgiront : s’attaquer à la primauté absolue du droit de propriété pour résoudre la crise du logement, taxer le capital et les riches plutôt que de rogner sur les dépenses sociales, réduire le temps de travail pour combattre le chômage. Alors que la présence du LSAP au gouvernement a pu amortir des confrontations dans ce domaine, la « coalition Giorgetti » risque d’entrer en collision frontale avec l’OGBL et l’opposition parlementaire réunis. Ce qui, en fin de compte, pourra aussi conduire à limiter les dégâts du revirement libéral.

Pourra-t-on mettre en place une structure intégrant partis de gauche et société civile ?

Un autre risque est que, dans le contexte d’une contestation dans le domaine social, les autres sujets soient éclipsés. Déi Gréng, avec quatre sièges et un appui incertain de Déi Lénk, auront du mal à placer en haut de l’agenda politique les questions du climat et de l’énergie. Comme nous l’avions rappelé (woxx 1755), celles-ci s’imposeront tôt ou tard par les mécanismes de la physique et de la politique internationale – mais sans relais parlementaire puissant, ce sera plus long. Il est vrai qu’avec le projet ECO2050, l’ex-ministre Franz Fayot avait engagé son parti dans une approche intégrant l’économique, le social et l’environnemental. Ce projet, boudé par le patronat, sera classé dans le « dossier bleu » du ou de la futur-e ministre de l’Économie, mais rien n’empêchera le LSAP de le reprendre à son compte. Au-delà, sur la question de la croissance, le Mouvement écologique reste isolé avec sa position très critique – mais les verts pourraient envisager de revoir leur copie en vue des prochaines élections.

Reste le domaine sociétal. Côté traitement des réfugié-es, il faudra s’attendre au pire, avec une xénophobie qui progresse dans le mainstream, voire, en Allemagne, divise la gauche radicale. Pour les sujets genre et LGBTIQA+, après le temps de l’écoute viendra maintenant le temps de la stagnation. Les franges progressistes du DP et du CSV rendent un backlash improbable – mais non impossible, avec la tentation de s’aligner sur des discours populistes de droite.

Au-delà des luttes sectorielles et ponctuelles, pourra-t-on mettre en place une structure intégrant partis de gauche et société civile, sachant que les ONG combattent généralement chacune pour son sujet, mais interagissent rarement à large échelle ? En Allemagne, on a vu l’Institut Solidarische Moderne rassembler la société civile, le monde académique et des personnalités du SPD, des verts et de Die Linke. Des structures comparables ont existé par le passé au Luxembourg – ne serait-il pas temps de relancer un tel projet ?


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