Qu’est-ce que le mensonge, et participe-t-il à l’harmonie d’un couple ? Faut-il au contraire tout se dire ? Telles sont les questions que pose la nouvelle création du TOL, montée au Kinneksbond.

Faut-il tout se dire dans un couple ? Véronique Fauconnet et Olivier Foubert dans « Le mensonge ».
Le Luxembourg culturel traverse indéniablement une période Florian Zeller : le premier film du dramaturge, « The Father », est à l’affiche des cinémas, et voilà que « Le mensonge » débarque sur la scène du Kinneksbond. Heureux hasard pour la production pensée par le Théâtre ouvert Luxembourg, et tout événement qui peut stimuler la fréquentation des théâtres est le bienvenu. N’oubliez pas le spectacle vivant !
Le point de départ de la pièce est simple. Alice tente de convaincre son mari Paul d’annuler un dîner prévu avec leur couple d’amis Laurence et Michel : elle a vu ce dernier embrasser une autre femme que la sienne et se trouve donc dans une position délicate, ne sachant pas s’il faut en informer son amie ou non. S’ensuit un dialogue où l’un défend le mensonge par omission (a-t-il quelque chose à cacher ?) et l’autre la vérité (est-elle sincère ?). Puis les rôles s’inversent, se fusionnent, se heurtent. L’écriture de Florian Zeller cherche en permanence, au moyen d’affirmations péremptoires et de rétractations, à faire osciller les positions de ses personnages entre le mensonge et la vérité. Au point que sa petite mécanique, parfaitement exposée, finit par lasser : les codes du vaudeville y sont très visibles (répétition par un personnage des mots précédents de l’autre, tel est pris qui croyait prendre…) et la question légitime du mensonge ou de la vérité en tant que ciment du couple y est par conséquent diluée dans le comique. Les retournements deviennent des habitudes ; les révélations sont éventées bien avant leur dévoilement. Reste une technique qui fonctionne cependant pour tirer des rires (quelquefois nerveux, on l’imagine, vu le sujet) de l’audience.
Sur ce texte, la metteuse en scène Aude-Laurence Biver, aidée pour la mise en mouvements par Gianfranco Celestino, plaque des intermèdes musicaux qui ralentissent le rythme, pour stimuler la réflexion et reposer l’esprit des dialogues ping-pong. Un choix audacieux pour une pièce où l’on se figure plutôt d’interminables rebonds verbaux entre protagonistes, mais qui pourra convaincre celles et ceux qui auront moins de réticences par rapport au texte.
On passe néanmoins une agréable soirée, tout de même, et cela grâce aux interprètes. Si Véronique Fauconnet, Raoul Schlechter et Colette Kieffer font le boulot, Olivier Foubert, certes dans le rôle de très loin le plus développé, fait des étincelles dans le rôle du mari trompeur, ou trompé, ou rien du tout… enfin, on ne sait pas vraiment, ou bien si ? C’est grâce à sa verve et son énergie que la sauce finit par prendre, alors qu’il entraîne ses partenaires dans un bal des demi-vérités dont personne ne ressortira vraiment à son avantage. Au point que l’on se demande s’il convenait finalement d’aborder la question initiale. Et la boucle est bouclée : construction intellectuelle impeccable du texte, on l’a dit, même si au passage on a un peu trop fait tourner les têtes et dilué le message dans le rire. Une grande prestation de comédien sur un canevas un rien décevant, au vu de la réputation de l’auteur, tiens, cela ne nous rappellerait-il pas un certain film récent d’un certain Florian Zeller ?