CJUE : Le tax ruling luxembourgeois en faveur de Fiat Chrysler est incompatible avec le marché intérieur

Le Tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne confirme la décision de la Commission relative à la mesure d’aide mise en œuvre par le Luxembourg en faveur de Fiat Chrysler Finance Europe, qui oblige le grand-duché à récupérer cette aide illégale.

Est-ce bien le dernier acte d’une histoire qui a fait couler beaucoup d’encre et que le woxx a suivi de près au cours de ces dernières années ? Voici les éléments clés repris du communiqué de presse que le tribunal vient de publier ce matin : « Le 3 septembre 2012, les autorités fiscales luxembourgeoises ont adopté une décision anticipative (tax ruling) en faveur de Fiat Chrysler Finance Europe (ci-après “FFT” »), une entreprise du groupe Fiat qui fournissait des services de trésorerie et de financement aux sociétés du groupe établies en Europe. La décision anticipative en cause avalisait une méthode de détermination de la rémunération de FFT pour ces services, ce qui permettait à cette dernière de déterminer annuellement son bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés au grand-duché de Luxembourg.

En 2015, la Commission a considéré que la décision anticipative constituait une aide d’État (…) incompatible avec le marché intérieur. Elle a, en outre, constaté que le grand-duché de Luxembourg ne lui avait pas notifié le projet de décision anticipative en cause et n’avait pas respecté l’obligation de suspension. La Commission a estimé que le grand-duché de Luxembourg devait récupérer auprès de FFT l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur. Le grand-duché de Luxembourg et FTT ont chacun introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne visant à l’annulation de la décision de la Commission. (…)

Dans son arrêt de ce jour, le Tribunal de l’Union européenne rejette les recours et confirme la validité de la décision de la Commission. En premier lieu, s’agissant du moyen relatif à une harmonisation fiscale déguisée, le Tribunal rappelle que (…) la Commission n’a procédé à aucune “harmonisation fiscale”, mais a exercé la compétence qu’elle tire du droit de l’Union, en vérifiant si ladite décision anticipative conférait à son bénéficiaire un avantage par rapport à l’imposition dite “normale”, telle que définie par le droit fiscal national.

En deuxième lieu (…) le Tribunal a, premièrement, examiné si, afin de constater l’existence d’un avantage, la Commission pouvait analyser la décision anticipative en cause au regard du principe de pleine concurrence, tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée. À cet égard, le Tribunal rappelle, notamment, que, dans le cas des mesures fiscales, l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite “normale” et que, afin de déterminer s’il existe un avantage fiscal, il convient de comparer la situation du bénéficiaire résultant de l’application de la mesure en cause avec celle de celui-ci en l’absence de la mesure en cause et en application des règles normales d’imposition.

Le Tribunal relève, ensuite, que les prix des transactions intragroupe ne sont pas déterminés dans des conditions de marché. Il expose que, lorsque le droit fiscal national n’opère pas de distinction entre les entreprises intégrées et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés, ce droit entend imposer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une telle entreprise intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché (…).

Le Tribunal précise que le principe de pleine concurrence, tel qu’identifié par la Commission dans la décision attaquée, constitue un outil lui permettant de contrôler que les transactions intragroupe sont rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes. (…) La Commission était donc, en l’espèce, en mesure de vérifier si le niveau de prix pour les transactions intragroupe avalisé par la décision anticipative correspond à celui qui aurait été négocié dans des conditions de marché. Le Tribunal note par ailleurs qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait considéré que toute décision anticipative constituait nécessairement une aide d’État.

Deuxièmement, s’agissant de la démonstration en tant que telle de l’existence de l’avantage, le Tribunal a examiné si la Commission a correctement considéré que la méthodologie de calcul de la rémunération de FFT (…). À cet égard, le Tribunal constate que (…) l’intégralité des capitaux propres de FFT aurait dû être prise en compte et qu’un taux unique aurait dû être appliqué (…). En conséquence, le Tribunal constate que la méthodologie entérinée par la décision anticipative en cause a minimisé la rémunération de FFT, sur la base de laquelle l’impôt dû par celle-ci est déterminé (…).

En troisième lieu (…) le Tribunal conclut que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que l’avantage conféré à FFT par la décision anticipative en cause était sélectif, dès lors que les conditions liées à la présomption de sélectivité étaient remplies en l’espèce (…).

En quatrième lieu, le Tribunal rejette les moyens soulevés par le grand-duché de Luxembourg et FFT selon lesquels la Commission n’aurait pas établi l’existence d’une restriction de concurrence.
En cinquième lieu, le Tribunal considère que la récupération de l’aide en cause n’est pas contraire au principe de sécurité juridique ni aux droits de la défense. »

Le ministre des Finances luxembourgeois a promptement réagi via un communiqué de presse et indiqué que le Luxembourg analysera l’arrêt « avec toute la diligence requise et réserve tous ses droits ». Le ministre confirme par ailleurs que le Luxembourg adhère pleinement à la lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices de l’OCDE et rappelle avoir mis en œuvre au cours des dernières années de nombreuses réformes à cet égard. Il cite notamment la circulaire administrative réglementant l’activité des sociétés de financement intragroupe en qui concerne justement les prix de transfert, invoqués par l’arrêt du tribunal, mais que le gouvernement se refusait jusqu’à maintenant d’appliquer de façon rétroactive.


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