Les remarques de Dan Kersch sur un éventuel impôt sur « les gagnant-e-s de la crise » sont de la pure rhétorique sociale-démocrate : demander l’impossible pour ensuite s’en laver les mains, tout en engrangeant des voix.

(©SIP)
De quel pays Dan Kersch est-il le vice-premier ministre ? En l’entendant dimanche dernier plastronner au congrès LSAP, on aurait plutôt pensé à une république révolutionnaire andine qu’au grand-duché de Luxembourg. Taxer les « gagnant-e-s de la crise » est une idée qui circule beaucoup sur les réseaux sociaux, notamment accompagnée de tableaux renseignant sur les fortunes personnelles de Jeff Bezos d’Amazon ou d’Elon Musk de SpaceX et Tesla.
Il est vrai que ces fortunes astronomiques, qui ont décollé encore plus avec la pandémie, provoquent la nausée de la classe moyenne, qui sent venir qu’elle payera de toute façon les pots cassés pour la crise économique qui se profile à l’horizon. Alors, quoi de mieux que de faire miroiter que le LSAP sera là pour défendre la veuve et l’orphelin contre les méchants mégamilliardaires qui réfutent l’idée même de justice sociale ? Ce faisant, Kersch savait qu’il allait provoquer une levée de boucliers aussi bien du patronat, de la Chambre de commerce que de la place financière, ainsi qu’irriter profondément le DP – qui de toute façon tuerait une telle initiative dans l’œuf. Bref, le vice-premier ministre sait pertinemment que son impôt est une illusion.
Le vice-premier ministre sait pertinemment que son impôt est une illusion.
C’est d’autant plus affligeant pour les socialistes qu’ils sont au pouvoir dans une coalition qui laisse depuis des années exploser le coefficient Gini, le nombre de « working poor » et la crise du logement. Une coalition qui s’est récemment encore mise en scène comme un bloc indivisible quand il s’agissait de contrer les méchantes révélations des OpenLux, qui n’auraient qu’été un produit de la jalousie des « autres » contre « notre » belle et propre place financière. Une place qui reste toujours une bonne adresse pour les structures d’optimisation fiscales de ces mêmes milliardaires que Kersch veut maintenant taxer. Ce qui est tout de même un peu bizarre – on pourrait même croire que Kersch prend ses concitoyen-ne-s pour des con-ne-s, tout simplement.
Alors qu’un Frank Engel s’est fait foudroyer par son parti pour avoir osé formuler l’idée de justice fiscale, on attend encore le projet de loi socialiste qui instaurera une vraie redistribution du capital. Car c’est par là qu’il faudrait commencer, non en évoquant des impôts fantasques qui, de toute façon, ne pourront pas être mis en place. La question de la définition des « gagnant-e-s » ainsi que celle de la compatibilité avec les normes internationales et la sécurité juridique d’une telle taxe pèsent bien trop lourdement. Mais l’occasion était certainement trop belle pour se présenter en tant que rebelle – même sans cause.