Les dommages dus au changement climatique s’accentuent. La question des indemnisations est à l’ordre du jour de la COP27.
Que le Luxembourg paye ! « Lët’z pay our fair share ! » Le message de l’Action solidarité Tiers Monde est clair : dans un communiqué, l’ONG explique pourquoi le grand-duché devrait apporter une contribution d’environ 325 millions d’euros par an pour les dégâts climatiques dans le monde, alors qu’actuellement il verse à peine 10 millions au Fonds vert pour le climat de l’ONU. Le communiqué précise que les calculs ont été faits pour l’année 2030, sur base de la responsabilité historique d’émissions de CO2 et de la capacité budgétaire du Luxembourg.
Rappelons que les engagements financiers des pays industrialisés par rapport au Global South sont au centre des débats de la COP27, qui a commencé dimanche dernier. La grogne des pays en voie de développement provient notamment de la promesse non tenue d’alimenter le Fonds vert pour le climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an. S’y ajoute qu’il s’agit pour une grande partie de prêts et non de dons, et que peu d’argent est disponible pour l’adaptation. En effet, c’est la mitigation du changement climatique, notamment en investissant dans les énergies renouvelables, qui attire les capitaux privés, considérés comme un ingrédient indispensable. Les pays du Sud ont ainsi le choix de s’endetter pour adapter leurs infrastructures ou d’exposer leurs populations aux dégâts climatiques à venir.
La bonne nouvelle est que, pour la première fois lors d’une COP, on débattra sur l’indemnisation de ces dégâts, revendiquée depuis longtemps par les pays du Sud, qui ont peu contribué au changement climatique, mais sont les premiers à en souffrir des conséquences. Cependant, les ouvertures faites par le représentant étasunien John Kerry seront jugées peu fiables suite à la perte probable de la majorité démocrate à la House of Representatives. Par ailleurs, une logique libérale imprègne ses propositions, tout comme celle d’un Global Shield, discutée au sein du G7. Il s’agit d’une initiative allemande pour aborder le sujet des Loss and Damage (pertes et dommages) et qui fait appel à des mécanismes de prêts et d’assurance privée. Une autre proposition consiste à créer un nouveau fonds pour l’indemnisation (non couverte par le Fonds vert pour le climat), alimenté par une taxe sur les profits des multinationales des énergies fossiles.
Tout ce qui dépend du bon vouloir des pays riches risque d’être insuffisant et de conduire au surendettement.
Mais tous ces mécanismes, qui dépendent du bon vouloir des pays riches, risquent d’être insuffisants et de conduire à un surendettement du Sud. « Or, la dette est le meilleur allié du réchauffement climatique : elle oblige les pays en développement à rester dans le système du tout-exportation, de l’agriculture intensive et de l’extractivisme pour espérer rembourser leurs créances en dollars », explique un article de Reporterre, qui plaide pour l’annulation radicale de la dette du Tiers Monde.
En effet, les perspectives sont sombres tant que l’on considère l’indemnisation de manière isolée. Laissée au bon vouloir des pays riches, ceux-ci la verront soit comme un tonneau des Danaïdes, soit comme un outil géopolitique qui permet de maintenir les pays du Sud riches en ressources minières sous leur contrôle, comme cela se fait déjà avec l’aide publique au développement. Malheureusement, les marchandages entre pays font perdre de vue que, globalement, les trois types de finance climatique sont liés : une adaptation et, à plus long terme, une mitigation réussie permettent de réduire le coût des dommages infligés à l’humanité.
Rêvons : une agence de l’ONU est chargée de coordonner les mesures d’adaptation et de jouer un rôle d’assureur. Les pays du Nord sont incités à contribuer aux mesures, car en cas de catastrophes mal maîtrisées, c’est eux qui indemniseront les victimes. De surcroît, l’agence pourra avancer de l’argent, selon des modalités définies lors de la réforme de la Banque mondiale. Improbable, une telle solidarité internationale au vu des divisions géopolitiques actuelles ? Le choix est entre « coopérer ou périr », comme l’a résumé le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors de l’ouverture de la COP.