Jusqu’où ira-t-il ? Plus apprécié à l’étranger que dans son propre pays, Emmanuel Macron devra réformer la France avant de s’attaquer à l’Europe.
Le 10 mai, un an et trois jours après avoir été élu président, Emmanuel Macron reçoit le Karlspreis, décerné par la ville d’Aix-la-Chapelle, lieu de couronnement de Charlemagne. Alors, Macron mérite-t-il les couronnes qu’on lui tresse ?
Mettons les choses au point. Celles et ceux qui s’indignent de l’attribution du prix devraient consulter la liste des lauréats : à côté de personnalités irréprochables, on l’a aussi attribué à Henry Kissinger, Javier Solana et… au peuple luxembourgeois – dont l’adhésion aux valeurs européennes peut être mise en doute. Macron a montré qu’il existait une troisième voie à côté du centrisme à court d’idées et du populisme antieuropéen. Il mérite donc pleinement un prix associé à l’idée d’un maintien de l’Union européenne sur son orbite, alors qu’elle risque d’être déviée et de s’écraser par terre.
Certes, il y a des protestations à cause de l’implication de la France dans la centrale de Tihange, bombe à retardement située à 60 kilomètres d’Aix-la-Chapelle. Mais le nucléaire est la moindre des tares du président français. Pour vraiment entrer dans l’histoire de France et d’Europe, Macron devra se montrer astucieux et relever des défis bien plus imposants.
Qu’un politicien français devienne la coqueluche d’une large frange des intellectuel-le-s de par le monde peut surprendre. Mais la mondialisation libérale des années 1980 est désormais remise en question tant par les gouvernements antilibéraux de Chine et de Russie que par les peuples d’Amérique et d’Angleterre, qui ont voté pour Donald Trump et le Brexit. Face au mécontentement dans les pays occidentaux, les vieux partis semblent dépassés – Macron a montré qu’on pouvait en créer un nouveau en affirmant faire de la politique autrement. Jeune, poli, plutôt ingénieur qu’idéologue, le président français rend l’espoir à celles et ceux qui souhaitent que le monde continue à tourner dans le même sens qu’avant la crise.
Pour cela, une intégration européenne plus forte semble nécessaire – avec un euro moins dur, mais une coordination des politiques budgétaires menée d’une main de fer. Voilà ce que Paris propose à Berlin, en y ajoutant comme bonus une intégration des politiques de défense. Ces deux volets d’une réforme de l’Union ne font pas l’unanimité en Allemagne. Mais, comme le proclame le magazine « The Economist », Macron peut espérer devenir l’homme le plus puissant d’Europe, à condition d’arriver à réformer son propre pays.
Et c’est là que le bât blesse. Le président avait contre lui dès le départ celles et ceux qui n’ont pas voté pour lui, ou l’ont fait malgré elles et eux. S’y sont rapidement ajouté-e-s les cheminot-e-s, les fonctionnaires, les étudiant-e-s… Et après les perdant-e-s des « réformes », voici qu’une partie de la gauche libérale, soucieuse des droits fondamentaux, rejoint le camp des anti-Macron au vu de la dureté affichée à l’égard des migrant-e-s.
L’impopularité de Macron n’est pas une fatalité, s’il sait tirer profit des circonstances.
Mais cette impopularité n’est pas une fatalité : tout dépendra de l’habileté du président à tirer profit des circonstances. Il peut ainsi tenter de diviser les classes populaires, en montant les vacancier-ère-s contre les cheminot-e-s, les petit-e-s-bourgeois-es contre les étudiant-e-s, etc. Quant à la politique anti-immigrant-e-s, quelques attentats lui fourniront peut-être une justification. Et alors, plus rien ne l’empêchera de… Espérons qu’il échoue.