Nouveau rapport climatique : Lis et oublie !

Le monde change, et pas seulement en termes de température moyenne. Mais face aux errements de la politique, science et société civile semblent désemparées.

Quoi de neuf, huit ans après l’accord de Paris, supposé être le coup d’envoi d’une action mondiale conséquente pour contrecarrer le réchauffement climatique ? « Ce rapport de synthèse fait ressortir que des mesures plus ambitieuses s’imposent de toute urgence et que, si nous agissons maintenant, nous pouvons encore garantir un avenir durable et vivable à toute la planète », a dit Hoesung Lee, président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC ou IPCC, Intergovernmental Panel on Climate Change), lors de la présentation du « Sixth Assessment Report » (AR6), compilation de six rapports élaborés entre 2018 et 2022.

Lee aurait pu prononcer la même phrase il y a dix ans. Bien sûr, entre-temps, l’inaction généralisée a fait empirer la situation, mais apparemment, du côté de l’IPCC, on manque de souffle pour se lancer dans un crescendo verbal. On pourrait en retirer l’impression que les rapports de synthèse se suivent et se ressemblent. Dans ce cas, pourquoi ne pas attendre la prochaine évaluation, en 2029, expliquant encore que la situation est grave mais pas désespérée, avant d’agir ? Cela laisserait à l’humanité le temps de financer le réarmement rendu nécessaire par la nouvelle guerre froide ainsi que de surmonter la crise économique et sociale grâce à un bon coup de croissance dans les pays riches.

Côté société civile, en se basant sur la réaction du Climate Action Network, l’impression n’est pas si différente. Constat de la menace climatique, mise en garde contre de nouveaux investissements fossiles, exhortations à agir maintenant, ou au minimum durant la présente « décennie décisive », afin de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré. Les ONG n’incitent certes pas à attendre 2029, mais leur optimisme est moins convaincant que leur reprise de l’austère constat scientifique affirmant que chaque tonne de CO2 et chaque dixième de degré en plus réduisent encore les chances d’un avenir supportable pour l’humanité. S’il y a un élément à relever dans le discours de la société civile, notamment du Center for International Environmental Law associé à la Heinrich-Böll-Stiftung, c’est la vive dénonciation d’une « fausse solution » : dépasser les 1,5 degré en attendant de mettre en œuvre la séquestration du carbone, ce qui permettrait de baisser à nouveau la température avant la fin du siècle. Il s’agit d’un scénario envisagé par l’IPCC, mais qui comporte d’énormes risques de dérive climatique irréversible.

33 ans de rappels

Le rapport de synthèse en lui-même est surtout une piqûre de rappel, alors que le grand changement politique se fait attendre. L’Europe remplace actuellement le gaz russe par celui des États-Unis ou du Golfe, les États-Unis préparent l’exploitation de nouveaux gisements d’hydrocarbures, tandis que la Chine et l’Inde profitent des prix bradés russes. Le Parlement européen vient d’adopter des objectifs de réduction du CO2 insuffisants, ceux-là mêmes que le gouvernement luxembourgeois brandit avec fierté dans sa réaction au rapport de l’IPCC (pour le bilan CO2 luxembourgeois, voir « Klimabilanz: Das Kleingedruckte »). De son côté, l’Allemagne bloque un accord sur la fin du moteur à combustion – alors que, en réalité, il faudrait aller jusqu’à envisager la fin de l’automobilité. La conférence climatique de décembre dernier, en Égypte, a été un désastre, et la prochaine… aura lieu aux Émirats arabes unis. Dans ces circonstances, rappeler en premier lieu les dégâts en cours et l’urgence d’agir, comme le font la plupart des réactions, peut paraître comme la priorité du moment.

Néanmoins, un sentiment de déception persiste quand on repasse en revue le communiqué de l’IPCC. « Les pertes et dommages mis au premier plan », indique un intertitre. Hélas, il ne s’agit pas du fameux « loss and damage », associé à l’idée d’un droit à la réparation des pays du Sud envers le Nord global, mais simplement du constat que le réchauffement fait, dès aujourd’hui, d’énormes dégâts. Certes, on y évoque l’inégalité par rapport aux causes et aux effets du changement climatique. Mais on peut craindre que, au nom de l’urgence, institutions et ONG se contentent de politiques « compatibles » avec les droits des populations les plus vulnérables, plutôt que de réclamer, au nom de la justice universelle, un véritable « Global Green New Deal ».


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