Incroyable mais vrai : la Commission nationale pour la protection des données vient de montrer ses dents en rappelant le parquet général à l’ordre et en lui interdisant d’utiliser dorénavant les données issues de la chaîne pénale pour les recrutements.
C’était le feuilleton de l’été 2019, une ère prépandémique bien révolue. Tout est parti d’un entretien d’embauche raté au parquet au général. Le candidat pour un poste de référendaire, voire référendaire-bibliothécaire s’est fait recaler, après qu’on lui a montré – à son grand étonnement – deux informations issues de la chaîne pénale, la fameuse JuCHA , la base de données où le système judiciaire conserve toutes les informations sur les citoyen-ne-s qui de près ou de loin ont affaire à lui.
Pourtant, le jeune homme n’avait jamais été condamné dans les deux affaires concernées. Et au lieu de baisser les bras, le malheureux candidat lança une affaire qui allait gagner en dynamique. Il était question de fichiers secrets, d’un appareil d’État et d’une justice qui espionnait ses sujets et d’un total non-respect de la protection des données privées dans les arcanes administratifs. Des batailles au parlement entre une opposition réunie et un gouvernement battant en retraite ont animé le trou estival. Avec pour résultat des courses un projet de loi présenté en grande pompe en janvier de cette année, mais qui connaît déjà des appréciations très controversées des parties prenantes du processus législatif. Et encore, ce projet de loi ne cible pas la JuCHA, mais les bases de données de la police. Il établit juste qu’un parallélisme devra se faire entre ces deux fichiers.
Mais en critiquant frontalement l’affaire à l’origine de tous les débats menés, la CNPD vient de mettre la ministre de la Justice, Sam Tanson, en grande difficulté – et donne raison à celles et ceux qui se sont méfié-e-s dès le début des assurances du parquet comme quoi tout était légal. De plus, la commission a fait suivre des actes à ses paroles, en décidant « de prononcer à l’encontre du parquet général (…) un rappel à l’ordre » pour violation du RGPD. La CNPD interdit aussi « de consulter la JuCHA dans le cadre du recrutement d’un employé de l’État » jusqu’à ce qu’une disposition légale l’y autorise. Un tel projet de loi a d’ailleurs été déposé en novembre dernier. Finalement, le parquet devra effacer les données à caractère personnel issues de la JuCHA se trouvant dans ses fichiers de recrutement de toutes les personnes ayant postulé pour un poste d’employé d’État.
La bataille pour une administration plus respectueuse des données de ses citoyen-ne-s vient donc de connaître un nouvel – et surprenant – épisode.