Que reste-t-il de nos amours ? (6/10) : Que la vie reprenne

Né au Luxembourg de parents originaires de Bari – « Ils sont arrivés au Luxembourg il y a à peu près 60 ans. Ils étaient très jeunes : mon père devait avoir 16 ans et ma mère 18 » –, Franco Anelli est le patron du Lord Nelson, pub historique placé à mi-chemin entre le quartier de la gare et le centre-ville. Pendant une bonne trentaine d’années et jusqu’à 2012, son père a géré l’emblématique « after » Saumur.

Photo : Paulo Lobo

Franco Anelli : Après le Pfaffenthal, Bonnevoie et rue Beaumont, quand j’avais dix ans, nous nous sommes installés à Gasperich. Et depuis tout jeune j’ai travaillé dans le quartier de la gare, comme mon père. À l’époque, quand on sortait – et on commençait déjà à faire de petites sorties à 13 ou 14 ans –, on faisait deux ou trois cafés à Gasperich et ensuite on venait à la gare.

Des souvenirs du quartier à l’époque ?


Il était plus insouciant qu’aujourd’hui. On sortait sans crainte. Aujourd’hui, on lit souvent dans les médias qu’il y a des vols, des bagarres… Mais à l’époque ce n’était pas comme ça. Alors il y avait 20 ou 25 cabarets et beaucoup de vie nocturne. Et s’il y avait un problème, c’était vite réglé, parce que tout le monde se connaissait.

Les temps ont changé…


Oui, et ce n’est pas à cause des nouveaux arrivés qu’il y a des soucis : c’est une situation générale de la société partout. Le pub Lord Nelson est un peu caché. À l’époque du cinéma Marivaux, je m’en souviens, quand il y avait des séances, surtout de « Superman », la file arrivait jusqu’à la place de Paris et le bistrot était plein. Malheureusement, c’est fini. À la place du cinéma, actuellement, il y a un bâtiment administratif. Et ça a un peu enlevé le charme du quartier. Il y avait quatre ou cinq cinémas et il n’en reste aucun. Et cela attirait beaucoup de monde, surtout les vendredis et samedis soir.

À 30 ans, Franco Anelli est devenu propriétaire du Lord Nelson, qui existait déjà depuis les années 1970 et qui autrefois avait été une épicerie.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait d’avoir un café ?


Même si les horaires sont plus longs que ceux d’un bureau, je crois que c’est un travail qui donne beaucoup de liberté.

Des regrets concernant le quartier ?


Les trafiquants qui, en plein jour, font leur business. Ici, ça va encore, mais dans d’autres parties du quartier, comme l’avenue de la Gare… Il faudrait faire quelque chose. C’est un danger pour nos enfants et c’est aussi décourageant pour des commerçants.

La clientèle ?


Elle est mélangée : des Philippins à cause de ma femme, des gens de bureau, même s’il y a encore beaucoup de monde en télétravail, des gens du quartier aussi…

Certains clients sont devenus des amis, comme Alex, qui habite en France.

Il est présent pendant notre conversation.


Alex : J’aime aller là où je me sens bien. Et cela finit par être une question d’habitude. Franco et moi sommes devenus des amis ici. D’ailleurs, je préfère être dans ce quartier qu’en ville. Ici, c’est plus convivial.

Quoiqu’il vienne moins souvent qu’avant, l’endroit préféré de Franco reste « ici, chez moi »

Des vœux pour le quartier ?


Franco Anelli : En général, pas seulement pour le quartier, c’est que les choses s’améliorent, que nous dépassions la covid, que la guerre s’arrête, que la vie reprenne, que les autorités interviennent davantage, que des agents de police soient plus présents, qu’ils aient plus de contact avec la population, pour que les gens se sentent plus en sécurité et perdent la peur de sortir.

Que pensez-vous des changements physiques du quartier : de nouveaux bâtiments, des maisons vides, de nouvelles personnes qui arrivent…


C’est normal que des commerçants soient réticents à s’installer ici tant que le trafic de drogues sera si présent. Entre les loyers élevés et les rues mal fréquentées… Auparavant ce n’était pas comme ça. Sans ce problème, l’atmosphère reviendrait.

Le quartier de la gare raconté par ses habitant-es

Le tram fonctionne, les travaux et la pandémie sont presque finis. Paca Rimbau Hernández repose la question qu’elle avait déjà posée – en 1999-2000 et en 2019-2020 – à des personnes qui résident ou travaillent dans le quartier de la gare : « Que reste-t-il de nos amours ? » (à retrouver dans les archives du woxx).


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