Alors que le nation branding veut faire miroiter l’image d’un pays ouvert et tolérant, une étude récente apporte des chiffres désastreux sur le racisme au Luxembourg – qui ne se donne pas les moyens de lutter contre ce phénomène.
En novembre dernier, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le racisme a publié le rapport « Being Black in the EU », pour lequel 6.000 personnes noires dans 12 États européens ont été sondées. Le résultat est pour le moins alarmant pour le grand-duché. Ainsi, 11 pour cent ont déclaré avoir été victimes de violences racistes dans les cinq ans précédant l’étude, ce qui place le Luxembourg en quatrième position derrière la Finlande, l’Irlande et l’Autriche. Pire encore : 52 pour cent indiquent avoir été harcelé-e-s de façon raciste sur la même période.
Certes, l’envergure de l’étude n’est pas énorme par rapport au nombre d’étrangers-ères dans les pays analysés. Pourtant, elle devrait faire tirer la sonnette d’alarme. D’autant plus que les discriminations raciales ne sont presque jamais thématisées dans les médias ou les communications officielles. Et le seul fait que les populistes de droite au parlement gardent – encore – leurs opinions nauséabondes pour les soirées au comptoir plutôt que de les déverser à la Chambre des député-e-s ne suffit pas pour continuer à ignorer le problème.
La question que nous devons nous poser est d’abord de savoir pourquoi ces discriminations raciales restent presque invisibles. Un élément de réponse est que les personnes insulté-e-s et discriminé-e-s ne disposent pas d’un lobby puissant et se sentent marginalisé-e-s. De plus, leur confiance dans la société luxembourgeoise ne semble pas élevée : ainsi, 8 pour cent des personnes interrogé-e-s ont indiqué avoir été profilé-e-s de façon raciste par les forces de l’ordre, plaçant le Luxembourg devant la France et juste derrière l’Autriche et l’Italie. Or, aucun débat sur le profilage racial n’est mené au grand-duché, alors qu’en France c’est une thématique qui dépasse largement les banlieues des grandes villes.
Pire encore, comme l’Asti l’a constaté dans un communiqué, le Conseil national des étranger-ères (CNE) n’a plus depuis des années reconduit sa commission spéciale qui recevait les plaintes pour discrimination raciale. L’Asti constate aussi que le gouvernement continue d’ignorer les recommandations de l’ECRI (European Commission against Racism and Intolerance), faites en 2017, de renforcer le Centre pour l’égalité de traitement en lui conférant aussi le droit de recevoir des plaintes. Un rapport que le député de l’ADR Fernand Kartheiser avait d’ailleurs attaqué à l’époque, supposant que l’ECRI était un sous-marin gauchiste.
En premier lieu, il faut un lobby pour les personnes discriminées.
Une première étape serait donc de renforcer la représentation de celles et ceux qui sont victimes de discriminations racistes, qu’il s’agisse de contrôles aux faciès, d’insultes dans la rue ou de traitements injustes quand il s’agit de trouver un travail ou un logement. Il faut un lobby pour les personnes discriminées. Un endroit, une institution à laquelle elles et ils pourraient se confier et qui prendrait au sérieux leurs plaintes et leurs problèmes.
Cela fera bien sûr quelques taches sur l’image du pays – laquelle semble être la priorité de ce gouvernement –, mais aurait l’avantage de rendre enfin visible ce qui restait dans l’ombre : en matière de racisme, le Luxembourg est loin d’être une île à l’abri des influences extérieures.