Sur vod.lu : Roubaix, une lumière

Bon, il n’y a pas que Netflix pour regarder des films en ligne. Le site vod.lu, par exemple, propose un catalogue fourni et original, agrémenté de nouveautés qui auraient dû sortir en salles ces prochains jours. Mais aussi un excellent polar de l’été dernier qui n’a pas bénéficié d’une sortie nationale. « Roubaix, une lumière », s’il emprunte au cinéma d’auteur, fait scintiller le pavé roubaisien dans la plus pure tradition du genre… flic attachant et suspectes retorses en tête.

Une confrontation permanente des personnages, entre mensonges et faux-semblants. (Photo : Shanna Besson)

La mention « basé sur une histoire vraie » est souvent utilisée au cinéma, comme si la réalité qui rattrape la fiction était un gage de qualité, ou du moins d’intérêt pour les spectateurs et spectatrices. « Roubaix, une lumière » n’y fait pas exception en apparence : à son origine, un documentaire, « Roubaix, commissariat central », de Mosco Boucault, diffusé sur France 3 en 2008. Mais ce serait mal connaître Arnaud Desplechin que de lui prêter l’intention de faire un vulgaire remake. Si un fait divers glaçant lui donne l’occasion de se coltiner au film policier, il lui permet aussi de poursuivre l’exploration de sa ville fétiche tout en montrant les drames de la précarité.

Tout commence le jour de Noël, alors que le commissaire Daoud signale à ses collègues une voiture en feu. Lumière déjà, criminelle celle-là, qui flambe depuis les mots du titre et avertit : oui, voici un film noir, mais d’un noir illuminé par celles et ceux qui y habitent, au propre comme au figuré. Ce n’est pourtant pas cette première enquête qui servira de fil conducteur. Rapidement, c’est le meurtre d’une vieille dame qui va mobiliser les forces de police, dont Louis Cotterelle, un tout jeune lieutenant. Les voisines, alcooliques, toxicomanes et qui ont tout des amantes maléfiques, sont arrêtées. Commence alors un jeu du chat et de la souris où l’inexpérience de Cotterelle et la sagacité de Daoud se mêlent pour découvrir la vérité.

Une vérité d’ailleurs pas longtemps dissimulée. Pour Desplechin, le diable se niche dans les détails : plutôt que procurer du suspense, il préfère jouer la carte de la bataille psychologique. Qui a fait quoi exactement ? À ce petit jeu, le cinéaste brosse un portrait particulièrement convaincant du limier Yacoub Daoud. Dans ce rôle, Roschdy Zem fascine à chaque plan. L’acteur est tout bonnement habité par son incarnation d’un policier né à Roubaix de parents immigrés, qui connaît le coin comme sa poche et fonctionne au flair et à l’expérience. Avec, encore, de la lumière dans les yeux, une flamme que des années de confrontation avec la misère n’ont pu entamer. Zem campe une sorte de Maigret postmoderne, qui traîne sa longue silhouette dans une ville filmée comme un personnage. Pour lui faire face, Léa Seydoux est plutôt bien ancrée dans son rôle de manipulatrice et paumée à la fois. Tandis que Sara Forestier excelle, elle, dans celui de l’effacée qui se révèle moins terne qu’il n’y paraît. En prime, Antoine Reinartz, qui a percé dans « 120 battements par minute », hésite à souhait devant la conduite à tenir par le lieutenant Cotterelle.

Malgré des réactions négatives dans la ville natale du cinéaste, où certain-e-s ne voulaient voir qu’un portrait prétendument à charge, « Roubaix, une lumière » s’apparente, au-delà de son aspect de film noir, à une exploration des bas-fonds roubaisiens que seul un véritable amoureux de la ville pouvait proposer. À un scénario prenant et à une distribution lumineuse, Desplechin ajoute sa touche d’auteur par des plans étudiés soigneusement, rendant chaque portion d’immeuble photogénique. Le soulignement musical, qui sait se faire discret tout en stimulant les émotions, est assuré par l’excellent Grégoire Hetzel (un peu aidé par des thèmes de Richard Wagner, avouons-le) : lumière toujours, celle qu’apporte la bande originale pour éclairer imperceptiblement les ténèbres d’un drame humain de la pauvreté.

Voilà donc un objet cinématographique méticuleusement préparé, qui mêle social et polar avec bonheur. Le film était rentré bredouille du dernier Festival de Cannes, mais a valu à Roschdy Zem un César du meilleur acteur amplement mérité.

Sur le site vod.lu.

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