De juin à octobre : Idées noires

Après les communales, quelles perspectives politiques au Luxembourg ? En imaginant des scénarios pour les législatives et la prochaine coalition, difficile d’y trouver des raisons d’être optimiste.

Pour qui voter ? La convergence des grands partis vers un conservatisme pragmatique aboutit à une impasse politique. (Photo : lm)

Les élections communales ont vu un affaiblissement des partis de gauche et un renforcement de l’ADR. Quant au CSV, s’il a perdu par rapport à 2017, il peut entrevoir le bout du tunnel dans lequel il est engagé depuis plus de dix ans. Surtout, les plus récents sondages indiquent une inversion de tendance – et c’était encore avant la nomination du candidat locomotive Luc Frieden. Partant du constat d’un glissement vers la droite, il est tentant pour les gens de gauche d’imaginer un premier scénario cauchemar d’une coalition de gouvernement CSV-ADR. Rassurons-nous : la probabilité que cela arrive est non seulement négligeable sur le plan arithmétique, mais également réduite par l’adhésion du parti chrétien-social au principe du « cordon sanitaire » − au contraire de la situation en Espagne par exemple, où les élections du 23 juillet pourraient aboutir à une coalition entre droite et ultradroite.

Poursuivons : si le DP confirme en octobre ses gains de juin, et que ses partenaires continuent à perdre, une coalition avec le CSV pourrait s’imposer. Un Luxembourg gouverné par ces deux partis centristes-conservateurs serait bien dans l’air du temps. Comme l’est la coalition bleu-noir, installée au Knuedler depuis 2017 et confirmée dimanche dernier malgré – ou à cause de – sa passivité en matière de mobilité ou de logement. Le hic : dans aucun sondage récent CSV et DP n’obtiennent une majorité. Ce qui nous amène à un troisième scénario peu engageant : celui d’une très grande coalition englobant les trois « grands » partis traditionnels. Dans un pays qui s’est accommodé pendant des décennies de coalitions à deux changeantes entre CSV, LSAP et DP, cela ne devrait pas poser un problème idéologique insurmontable.

Avec des ministres « compétent-es », le Luxembourg optimisera son cadre fiscal, rendra ses aides sociales plus efficaces et conciliera les divers besoins de mobilité.

Enfin, si à la stabilité ces partis préféraient l’alliance avec un troisième partenaire « junior », ce ne serait pas une consolation : désormais les verts ont accepté que pour gouverner, il ne faut pas trop s’accrocher à ses idées, et les pirates leur emboîtent le pas. Le propre de ces partis, parfois qualifiés de « raisonnables » par opposition aux « protestataires », est de réduire la politique à des problèmes techniques, les élections servant à déterminer les politicien-nes les plus compétent-es pour les résoudre.

Trève de cynisme. 1974 puis 2013 sont entrées dans l’histoire du progressisme au Luxembourg : la mise à l’écart du CSV et l’assemblage de coalitions inédites a favorisé le développement et l’application d’idées nouvelles. Mais ce mouvement s’est épuisé et les perspectives pour octobre et au-delà sont sombres. La différence entre un maintien de la coalition actuelle et un retour du CSV paraît limitée, un retour du conservatisme, probable dans tous les cas de figure. Techniquement parlant, avec des ministres « compétent-es », le Luxembourg optimisera son cadre fiscal, rendra ses aides sociales plus efficaces et conciliera les divers besoins de mobilité. En profiteront les entreprises et les élites nationales, classe moyenne supérieure incluse. Le conservatisme qui accompagnera ces politiques de compétitivité ne se fera pas forcément au détriment de l’environnemental et du sociétal, mais évitera de relever les grands défis qui se posent en termes de développement durable et de justice sociale. Perspectives noires ou seulement grisâtres ? Mesurés à l’aune de ce qui est nécessaire, de ce qui serait possible, les scénarios d’avenir sont déprimants.


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