Seul parti de gauche à pouvoir être content de son résultat électoral, le LSAP sera le premier parti d’opposition. Cela lui laisse une grande marge de manœuvre pour revoir son positionnement politique.
« Nous ne vendons pas notre âme pour atteindre des compromis. » La déclaration de la présidente Francine Closener, ce mercredi, donne l’image d’un parti combatif, qui refuse fièrement de se laisser entraîner sur une pente antisociale en négociant avec le CSV. Le hic, c’est que ce refus est formulé à un moment où il n’y a plus rien à refuser – le LSAP a été mis hors jeu par Luc Frieden. Alors qu’en Espagne, le parti socialiste, pourtant en position de force à l’issue des élections de juillet, a exclu d’emblée une grande coalition, les socialistes luxembourgeois ont préféré, dès dimanche soir, signaler qu’ils étaient prêts à entamer des pourparlers. Le revirement de Closener ne fait qu’embellir l’opportunisme politique du LSAP et fait penser au renard et aux raisins de la fable de La Fontaine : « Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats » – les goujats étant les libéraux, qui se sont volontiers attablés avec le CSV.
L’épisode n’est guère édifiant, mais compréhensible : les bancs de l’opposition sont durs, surtout pour qui a connu ou espéré le velours d’un fauteuil ministériel. De surcroît, le LSAP a été doublement vainqueur lors des élections. Tout d’abord, en améliorant son score en pourcentage de 1,6 point, se rapprochant de la barre des 20 %. Surtout, il a réussi à inverser la tendance à la baisse, en cours depuis plus d’une décennie. Ce n’est pas rien, au vu des déboires des partis frères, notamment le SPD. Lors des élections au Landtag de Hesse, les sociaux-démocrates sont passés derrière l’AfD avec seulement 15,1 %, tandis qu’en Bavière, ils ont limité les pertes… et se retrouvent en 5e position avec 8,4 %, un quart de leur part historique. Le LSAP reste lui aussi loin en dessous de ses scores d’avant 1999, mais conserve sa place dans le trio de tête des partis luxembourgeois.
Les 11 sièges du LSAP, désormais premier parti d’opposition, pèseront plus lourd que verts, pirates et Déi Lénk réunis. Il a les moyens de monopoliser le discours d’opposition, mais peut aussi être à l’initiative d’une collaboration – notamment au niveau des procédures qui exigent cinq signatures de député-es (voir p. 2). Sur le plan social, les socialistes auront le choix entre développer leur propre discours et endosser les revendications de l’OGBL, sachant que Déi Lénk n’hésiteront pas à s’aligner sur les positions syndicales.
Sur le plan écologique par contre, le résultat vert risque de renforcer les voix, au sein du LSAP, qui trouvent qu’on en a déjà trop fait. Dans tous les cas, le rejet électoral de Déi Gréng rappelle les risques politiques liés à une transition écologique perçue comme inéquitable. D’un autre côté, Franz Fayot a fait un bon score dans le Centre, alors qu’il avait favorisé la réflexion sur le développement durable à travers le projet ECO2050. Cette étude se juxtaposait au projet Luxembourg in Transition, lancé par Claude Turmes, concurrence politique oblige, mais une synthèse était envisageable. Dans l’opposition, un rapprochement avec les verts autour de ces questions serait logique – pour préparer l’avenir du pays… et du parti.