Manifestation non déclarée : les anti-nucléaires de Bure relaxés

La cour d’appel de Nancy a relaxé, jeudi 26 janvier, sept opposant-es au projet de poubelle nucléaire Cigéo à Bure, poursuivi-es dans le cadre de leur action militante. Cette décision, favorable à la liberté d’expression et de réunion, intervient dans un contexte de criminalisation croissante des mouvements environnementaux en France.

Bure manifestation réseau sortir du nucléaire

Manifestation du réseau Sortir du nucléaire contre le projet Cigéo, le 15 mai 2016. (Photo : Wiki Commons)

L’arrêt rendu jeudi 26 janvier par la cour d’appel de Nancy a une saveur de victoire politique pour les opposant-es au projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Le tribunal a relaxé trois femmes et quatre hommes de la plupart des infractions qui leur étaient reprochés. Seuls trois des activistes sont condamnés pour leur « participation à un attroupement sans armes », lors d’une manifestation non déclarée dans le village meusien, le 15 août 2017. Leur peine, ramenée à quatre mois de prison avec sursis simple, a été réduite de près de moitié par rapport au jugement de première instance, prononcé par le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc.

Les 28 et 29 novembre derniers, ces militant-es comparaissaient devant la juridiction d’appel pour « organisation d’une manifestation non déclarée, attroupement après sommation de dispersion, dégradation et vol en réunion, détention en bande organisée de substances ou produits entrant dans la composition d’engins incendiaires ». Les faits portaient essentiellement sur la manifestation du 15 août 2017. En première instance, les prévenu-es avaient écopé de peines allant de 6 mois avec sursis à 12 mois de prison ferme pour l’un d’eux.

Cette décision « est une excellente nouvelle », se réjouit maître Matteo Bonaglia, l’un des quatre avocats qui ont assuré la défense collective des militant-es, joint par le woxx. « La cour juge que les infractions les plus graves n’étaient pas caractérisées. Elle n’a pas retenu l’association de malfaiteurs, la confection d’engins incendiaires et les violences contre les policiers. Plus on avance dans le processus judiciaire, plus l’accusation tombe en miettes. ».

Des moyens d’enquête disproportionnés

Pour l’avocat parisien, cet arrêt revêt aussi un caractère plus large : « Politiquement parlant, la cour estime que les outils de la procédure pénale ne doivent pas être utilisés contre l’expression d’idées et d’opinions militantes. Il est également intéressant qu’il y ait relaxe sur la participation à une manifestation interdite car cela conforte la liberté d’expression et de réunion. » L’arrêt démontre que « les moyens d’enquête étaient disproportionnés », selon maître Matteo Bonaglia.

Dans ce sens, cette décision est un désaveu pour l’État car il avait, dans ce dossier, déployé des procédés hors normes, habituellement dédiés aux affaires de terrorisme ou de grande criminalité. Pendant plus de trois ans, des dizaines d’enquêteurs avaient été mobilisés, parmi lesquels des agents du renseignement intérieur. Ils avaient placé des dizaines de personnes sous écoute et surveillance étroite, intercepté plus de 80.000 conversations téléphoniques et messages, pris des milliers de photos et vidéos, etc. Cette débauche de moyens avait été rendue possible par l’ouverture d’une enquête pour « association de malfaiteurs », conférant à la justice et aux forces de l’ordre des pouvoirs étendus d’investigation. Cette qualification n’a cependant pas été retenue tant en première instance qu’en appel. L’enquête au long cours menée pour coincer les opposant-es à Cigéo avait accouché d’un dossier d’instruction de 22.000 pages que les magistrats nancéens viennent de dégonfler comme un ballon de baudruche.

« Un sursaut de dignité »

L’arrêt sonne aussi comme un désaveu pour Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur qui assimile les actions de désobéissance civile des organisations environnementales à de « l’écoterrorisme ». Il en va de même pour le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, qui encourage les parquets à précisément utiliser l’arme de l’association de malfaiteurs pour tenter de neutraliser les actions et le travail de sensibilisation des écologistes.

La décision de la cour d’appel de Nancy intervient ainsi dans un contexte où les autorités françaises durcissent la répression contre les organisations environnementales et criminalisent leurs membres. Dans une tribune intitulée « Les luttes écologiques dans le viseur du ministère de l’Intérieur », publiée le 9 janvier sur le site Bastamag, plusieurs centaines de personnalités et 90 organisations dénoncent cette répression. Les signataires qualifient « la multiplication des actions de résistance écologique ou paysanne » de « sursaut de dignité […] devant l’écrasante évidence de la catastrophe » environnementale. Ils pointent aussi la responsabilité et « la complaisance manifeste des gouvernements successifs vis-à-vis des responsables identifiés de cette catastrophe ».


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