Présidentielle : Douze mains gauches

Une surprise est peu probable lors de l’élection présidentielle française. Comme en 2017, ce sera le centre contre l’extrême droite, la gauche restant sur la touche.

Pixabay/Dariusz Sankowski

« On va vers le cimetière », titre le site de France Info, citant un élu socialiste. Ce n’est pas trop dire. Le fier PS qui, depuis 1974, était habitué à voir ses candidat-es faire 25 % et plus au premier tour, devrait au mieux dépasser les 3 % le 10 avril avec Anne Hidalgo, candidate pourtant sans véritable défaut. C’est que le défaut est ailleurs. Le parti capable de rassembler « réalistes » et radicaux conçu par François Mitterrand a vu son aile droite rejoindre le centre droit renouvelé d’Emmanuel Macron, tandis que l’aile gauche, lasse de 35 ans de trahisons, s’est éparpillée parmi les autres formations progressistes. Qui, elles, ne font guère mieux. Prises ensemble, les six candidatures de gauche n’obtiennent pas 30 % des intentions de vote. Alors, faut-il enterrer non seulement le PS, mais toute la gauche ?

Enterrons-la, tout en espérant qu’elle ne soit pas morte. La campagne électorale a été un tel désastre qu’un sursaut d’effroi salutaire ne serait pas de trop. Les voix des formations de gauche, parcellisées, n’ont pas su construire un discours cohérent et crédible face aux populismes centristes et d’extrême droite. Les tentatives de rassemblement, comme la fameuse Primaire populaire, ont été boudées par les appareils et ont fini par se ridiculiser elles-mêmes. Puis est venue la guerre, créant un climat affectant les idéaux humanistes et progressistes qui nourrissent la gauche. La guerre a légitimé le réarmement et les alliances pourries, le gaz de schiste et le nucléaire, les orientations économiques productivistes et égoïstes ainsi que le nationalisme et le rejet de l’autre. Enfin, le système électoral français favorise les grands partis – les perspectives sont donc sombres pour les législatives en juin aussi.

D’ici au second tour, une formule va marquer la campagne : le « vote utile ». Depuis la mi-février, une partie des sondé-es semblent avoir abandonné l’idée de voter pour la candidature idéale et être déterminé-es à donner leurs voix aux candidat-es les mieux placé-es de leur camp. Pour cette raison, à l’extrême droite, Éric Zemmour a perdu du terrain face à Marine Le Pen, tandis que le potentiel de la candidate de droite Valérie Pécresse a été grignoté à la fois par Le Pen et Macron. En effet, le président sortant, voyant la vraie gauche hors d’état de nuire, est parti à la conquête de l’électorat de droite avec un programme sécuritaire et ultralibéral.

D’ici au second tour, une formule va marquer la campagne : le « vote utile ».

Ce même « vote utile » a sans doute aussi joué en faveur de Jean-Luc Mélenchon, désormais classé troisième avec 15 %, derrière Le Pen (20 %) et Macron (28 %). Peut-on parler d’amélioration par rapport à la situation de janvier, quand les quatre premières places des sondages étaient occupées par la droite et l’extrême droite ? En tout cas, il a bien mobilisé avec un programme en « rouge et vert » pouvant séduire du fait de sa radicalité étendue au domaine environnemental, même si la priorité reste au social. Face à la machine électorale bien rodée et le militantisme de terrain de « La France insoumise » (LFI), le candidat vert Yannick Jadot a cédé du terrain, même s’il a cherché à réaffirmer l’ancrage à gauche de son parti. Mais contrairement à ce qu’on a pu diagnostiquer en Allemagne, le mouvement pour le climat, clairement anti-droite et anti-Macron n’a pas l’air de profiter aux Verts au niveau électoral, ni non plus à LFI.

Face à des sujets comme le climat, le risque de déclassement social, le sentiment d’insécurité et la guerre, les gens semblent ne plus espérer une « sortie par le haut », mais se rabattre sur des promesses de protection de la part d’un ou d’une leader. Sans oublier les nombreux-ses abstentionnistes potentiel-les, qui, s’ils et elles finissent par voter quand même, vont encore se retrouver pour une grande part du côté des droites. Pour reconquérir l’électorat de gauche, surtout celui-là, il faudra plus qu’une refondation de parti : un projet de monde meilleur qui puisse à la fois convaincre et donner envie.


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