Les conflits armés ont forcé plus de 660.000 personnes à travers le monde à fuir leurs foyers entre le 23 mars et le 15 mai, c’est-à-dire depuis l’appel des Nations unies à un cessez-le-feu mondial, les laissant totalement démunies face à la Covid-19 tout en empêchant les efforts mondiaux de contrôler la pandémie.
« À l’heure où les experts de la santé nous disent de rester chez nous, les hommes armés forcent des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer et à se retrouver dans une situation d’extrême vulnérabilité », a déclaré le secrétaire général du Norwegian Refugee Council (NRC), Jan Egeland, au moment de la sortie d’un rapport publié ce vendredi. « Au-delà de mettre encore plus en péril ceux contraints de fuir, cela compromet sérieusement nos efforts communs pour combattre le virus », poursuit Egeland. L’ancien secrétaire d’État norvégien aux Affaires étrangères est à la tête du NRC depuis 2013. En 2015, il a été en plus nommé conseiller spécial des Nations unies pour la Syrie, fonction à laquelle il a renoncé en décembre 2018.
Les nouveaux chiffres publiés aujourd’hui par le Conseil norvégien pour les réfugiés montrent que les hostilités armées se sont poursuivies malgré l’appel lancé le 23 mars par le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, en faveur d’un cessez-le-feu mondial à la suite de la pandémie de Covid-19.
Selon le NRC les chiffres ont été compilés par l’Observatoire des déplacements internes (IDMC) de l’organisation et couvrent les personnes déplacées à l’intérieur des pays observées entre le 23 mars et le 15 mai. Les chiffres se concentrent principalement sur les déplacements causés par les conflits armés. Pour des raisons méthodologiques, certains chiffres peuvent cependant inclure des mouvements causés par d’autres formes de violence.
La crise de la Covid-19 a réduit l’accès aux zones touchées, entravant les efforts de collecte, de validation et de partage des données. Étant donné les limites de la collecte de données dues aux restrictions d’accès liées au conflit ainsi qu’aux nouvelles restrictions des opérations humanitaires résultant des mesures prises pour contenir la crise Covid-19, le chiffre global est probablement sous-estimé.
Sept études de cas sont présentées dans ce rapport, couvrant la République démocratique du Congo (RDC), le Yémen, l’Afghanistan, la Syrie, la Libye, le Cameroun et la Colombie et s’appuyant sur des informations et des analyses provenant des programmes humanitaires du NRC dans les pays susmentionnés, y compris des témoignages de personnes récemment déplacées.
Sur les 661.000 personnes déplacées dans 19 pays, le nombre le plus élevé concerne la RDC, où les affrontements entre les groupes armés et les forces armées du pays ont forcé plus de 480.000 personnes à fuir leurs foyers.
L’heure n’est pas à la politique infantile
Même dans les pays où les parties belligérantes ont exprimé leur soutien à un appel au cessez-le-feu, les combats n’ont pas cessé. Au Yémen, la coalition dirigée par les Saoudiens a annoncé qu’elle mettrait en place un cessez-le-feu unilatéral. Cependant, les frappes aériennes se sont poursuivies et les autres parties ont entrepris des opérations armées qui ont entraîné le déplacement de 24.000 personnes depuis le 23 mars.
« Mon cousin a essayé de fuir la ferme avec sa famille, mais un raid aérien les a touchés. Trois personnes ont été tuées, dont un bébé », témoigne Ali, un père de famille yéménite contraint de fuir dès le 6 mai.
La région du lac Tchad aurait également connu une vague de déplacements de population, le Tchad et le Niger étant les plus touchés. Le nombre de personnes déplacées pour l’Afghanistan, la République centrafricaine, la Syrie, la Somalie et le Myanmar dépasse 10.000 au cours de la même période pour chacun de ces pays.
Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas réussi à instaurer de cessez-le-feu ou de pourparlers de paix afin de garantir la protection des civils pendant la pandémie : alors qu’il existe un large consensus sur l’appel à un cessez-le-feu mondial, des pays comme les États-Unis et la Chine bloquent les progrès en faisant entrer leurs désaccords bilatéraux dans les délibérations du conseil. Le NRC appelle par conséquent les membres de celui-ci à lancer un appel clair aux parties belligérantes pour qu’elles mettent fin à la conduite des hostilités et qu’elles règlent leurs conflits par des pourparlers afin de permettre une réponse systématique à la pandémie.
« Pendant que des personnes sont déplacées et tuées, les membres puissants du Conseil de sécurité de l’ONU se chamaillent comme des enfants dans un bac à sable », observe Jan Egeland. Les dirigeants mondiaux devraient se montrer à la hauteur de la situation et pousser conjointement les parties à cesser leurs tirs et à s’unir pour protéger toutes les communautés de la Covid-19. L’heure n’est pas à la politique infantile.