L’Europe des 40 (pour cent de CO2)

Sauver le climat, on veut bien, mais en douceur. Malgré les récents cyclones et canicules, l’Union européenne ne veut pas revoir à la hausse son objectif CO2.

Grande manif lors de la COP21 à Paris.
(Photo : Raymond Klein)

La bonne nouvelle d’abord : 19 pays, dont le Luxembourg, se sont engagés au sein de la « Carbon Neutrality Coalition » à atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050. La coalition compte 12 États membres de l’UE, qui devraient appuyer une proposition imminente de la Commission européenne allant dans le même sens.

La mauvaise nouvelle : ni le Luxembourg ni l’Union européenne ne sont prêts à adapter en conséquence leurs objectifs pour 2030. Côté grand-duché, c’est une question parlementaire récente qui confirme l’attitude hypocrite du gouvernement bleu-rouge-vert sur ce point (voir : Le Luxembourg malade des 40 pour cent). Côté Europe, il semblerait que la proposition d’aller – un peu – au-delà des 40 pour cent de réduction prévus ait été abandonnée.

Limiter le réchauffement à 1,5 degré

Pourquoi ces chiffres et ces dates sont-ils importants ? À travers l’accord de Paris de 2015, l’ensemble des pays s’est engagé à maintenir le réchauffement climatique en dessous de deux pour cent (woxx 1350 : Confiance, défiance, espoir). À la même occasion, ces pays ont pris des engagements afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne par exemple s’est engagée à une réduction de 40 pour cent par rapport à 1990.

Ces engagements, tous mis ensemble, sont nettement insuffisants pour enrayer le réchauffement. Si on en reste là, les températures devraient monter d’environ trois degrés, alors que la prudence dicte de viser 1,5 degré ou moins. Le fait que certains pays, voire l’UE dans son ensemble, promettent d’atteindre zéro en 2050 n’y change rien. En effet, les trop grandes quantités de CO2 émises d’ici à 2030 continueront à booster l’effet de serre et pèseront particulièrement lourd. C’est le fameux différentiel en forme de banane qu’avait évoqué Claude Turmes quand il était encore député européen et se battait pour une politique ambitieuse à l’échelle du continent (woxx 1468 : Strategie und Taktik). En résumé : plus on traîne à réaliser des baisses d’émissions, plus ce sera dur – ou même impossible – de faire le nécessaire plus tard.

CAN et Cañete demandent plus

Que faire ? Le Climate Action Network européen (CAN) recommande d’adopter un objectif de réduction de 55 pour cent pour 2030. Ainsi, l’Union européenne serait crédible en demandant aux autres pays de revoir également à la hausse leurs engagements. Ce n’est cependant pas la voix de la sagesse, mais les circonstances des négociations autour du Clean Energy Package qui ont fait bouger les choses. L’UE a finalisé en juin dernier ses objectifs en matière d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie (online-woxx : L’UE peut mieux faire). Malgré un accueil mitigé de la part des ONG, ces objectifs permettent en principe de réduire les émissions de CO2 de plus de 40 pour cent d’ici 2030.

Le commissaire à l’Énergie, Miguel Arias Cañete, songeait donc à revoir à la hausse l’objectif de CO2. Certes, il envisageait un ajustement modeste : passer à 45 pour cent. Mais une fois le débat ouvert, on pouvait espérer que les arguments scientifiques en faveur du climat soient écoutés. D’ailleurs, le premier ministre néerlandais Mark Rutte (droite libérale) n’avait pas hésité à faire sien l’objectif de 55 pour cent.

Luxembourg hypocrite, Allemagne traîtresse

Quant au Luxembourg, il semble qu’il ait constamment soutenu des objectifs européens plus ambitieux. Mais ni le premier ministre Xavier Bettel (DP), ni le ministre de l’Énergie Étienne Schneider (LSAP), ni la ministre de l’Environnement Carole Dieschbourg (Déi Gréng) ne se sont prononcé-e-s sur un objectif CO2 précis. Surtout, ils et elle n’ont jamais évoqué une hausse de l’objectif luxembourgeois (également de 40 pour cent). À croire qu’on prêche de l’eau à Bruxelles et qu’on boit du vin à Luxembourg (voir : Le Luxembourg malade des 40 pour cent).

De toute façon, la discussion autour d’un objectif CO2 plus ambitieux est sans doute passée à la trappe. De manière générale, il est beaucoup plus séduisant pour des politicien-ne-s de prendre de grands engagements à long terme – ce seront les successeur-e-s qui devront les tenir. D’où l’engouement pour la Carbon Neutrality Coalition, et le peu d’insistance sur les objectifs pour 2030.

Mais le principal obstacle à une révision des objectifs CO2 européens a été le veto allemand. Dès la fin août, Angela Merkel avait pris ses distances avec l’initiative de Cañete. D’après les informations de la DPA, reprises par « Die Zeit », le commissaire n’aurait plus l’intention de soumettre une révision des objectifs lors du Conseil environnement du 9 octobre. L’Allemagne, bien qu’elle fasse partie de la Carbon Neutrality Coalition, n’est pas du tout neutre quand il s’agit de défendre son industrie automobile et ses centrales au charbon.


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