La réponse à une question parlementaire récente devait mettre en valeur les mérites du gouvernement et de la ministre de l’Environnement. Mais en fin de compte, elle révèle le manque d’ambition climatique de la coalition gouvernementale et du parti vert en particulier.
À quoi servent les questions parlementaires ? En cette période préélectorale, difficile de ne pas soupçonner les auteur-e-s de « QP » de vouloir améliorer leur visibilité. Ainsi, le 24 août, Diane Adehm et Gilles Roth se sont intéressé-e-s à la plainte collective pour « inaction climatique » adressée à la Cour de justice de l’Union européenne. Les député-e-s CSV ont interrogé le gouvernement sur sa position par rapport à la plainte et sur les actions entreprises par lui pour faire face au changement climatique. Sujet intéressant, questions pertinentes, oui, on vous a vu !
Mais quand on pose des questions parlementaires en période préélectorale, en face aussi, il y a des candidat-e-s. En répondant le 25 septembre, Carole Dieschbourg, ministre de l’Environnement, a eu beau jeu d’évacuer le volet directement lié à la plainte : cela relève de la CJUE et « le gouvernement ne peut pas se prononcer sur l’issue d’un procès en cours ». Elle a ensuite profité de la question pour faire une sorte de bilan préélectoral, énumérant les résultats obtenus : pacte climat, fonds verts, troisième plan climat. Et surtout les efforts consentis, depuis les 1,6 milliard d’euros investis dans le rail jusqu’au demi-million de soutien à l’achat de voitures électriques. Revendiquer ses BA et celles de son gouvernement, voilà qui est de bonne guerre.
Petitesse du grand-duché
Mais il y a un hic. La ministre verte évoque l’objectif de réduction de CO2 pour 2030, qui est de moins 40 pour cent. Cet objectif est lié à l’objectif adopté par l’Union européenne, également de 40 pour cent. Et ce dernier est considéré comme insuffisant, y compris par des politiciens pas verts du tout, comme Mark Rutte (premier ministre des Pays-Bas) ou Miguel Arias Cañete (commissaire européen à l’Énergie). Une insuffisance analysée en détail dans un autre article online-woxx : L’Europe des 40.
Pour revenir au Luxembourg : celui-ci se verrait « avec un objectif de réduction de 40 pour cent, confronté à un défi considérable à l’horizon 2030 », estime la ministre. Ce faisant, elle signale clairement que le Luxembourg n’est pas prêt à en faire plus, et doit donc s’estimer heureux si l’UE, de son côté, en reste à son objectif de 40 pour cent.
Notons que les deux pourcentages ne recouvrent pas la même chose. L’objectif luxembourgeois d’une réduction de 40 pour cent en 2030 est calculé par rapport à 2005. Il ne concerne pas les émissions de gaz à effet de serre des grandes installations industrielles. Comme pour les autres pays, ces émissions sont gérées au niveau européen, à travers le système communautaire d’échange de quotas d’émission (Emission Trading Scheme, ETS).
Réductions de CO2 européennes et nationales
L’objectif européen par contre concerne l’ensemble des émissions et est calculé par rapport à 1990, qui était déjà l’année de référence pour l’accord de Kyoto. La Commission a ensuite divisé l’effort à fournir entre le secteur couvert par l’ETS et les secteurs restants, toujours à l’échelle continentale, mais en les recalculant par rapport à l’année de référence 2005. Cela a donné une réduction de 43 pour cent pour le secteur ETS et 30 pour les autres. Pour répartir ces 30 pour cent entre les pays membres, la Commission a fait un calcul savant, faisant notamment intervenir les PIB, et est arrivée à des objectifs de réduction s’échelonnant entre 40 (Suède et Luxembourg) et 0 pour cent (Bulgarie) (Règlement européen 2018/842).
Le « défi considérable » auquel est confronté le Luxembourg n’est pas si extraordinaire : 10 pays sur 28 ont un objectif de 35 pour cent ou plus, parmi eux nos trois voisins. Il est vrai que la croissance démographique donne une autre allure à cet objectif, et que, comme l’indique la réponse de la ministre, les ventes de carburants routiers pèsent lourd dans le bilan luxembourgeois. Sous-entendu : il sera délicat d’abandonner la juteuse niche du tourisme à la pompe. D’un autre côté, et même si on retire le tourisme à la pompe et qu’on calcule par tête d’habitant-e, le Luxembourg fait figure de cancre en matière d’émissions de CO2.
Dieschbourg n’ose pas les 55 pour cent
Surtout, on a du mal à comprendre la sacralisation de ce chiffre de 40 pour cent. Le gouvernement luxembourgeois a adhéré à la Carbon Neutrality Coalition, des pays qui s’engagent à atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050. Quant à Carole Dieschbourg, elle a contribué à la réussite de la conférence climatique de Paris en décembre 2015, et invoque régulièrement l’obligation de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de deux degrés. Dès janvier 2016, quand le woxx l’avait interrogée sur le manque d’ambition européen, la ministre s’était cependant montrée évasive (woxx 1353 : Das Klima wartet nicht).
Or, pour contribuer à atteindre le but fixé à Paris et la neutralité carbone en 2050, les 40 pour cent de l’Europe ne suffisent pas – là-dessus, il y a un large consensus au sein de la communauté scientifique et de la société civile. Il faut donc souhaiter que l’UE revoie son objectif à la hausse, ce qui, mécaniquement, relèverait l’objectif du Luxembourg. Idéalement, l’Europe s’engagerait à baisser ses émissions de 55 pour cent et l’objectif du grand-duché devrait être du même ordre. Or, le gouvernement et la ministre ne raisonnent qu’en termes de 40 pour cent – un pourcentage qui, malheureusement, risque aussi de faire la loi en Europe (voir L’Europe des 40).