Peut-on fermer la centrale nucléaire lorraine sans mettre en danger la sécurité d’approvisionnement en électricité des régions voisines ? Une étude apporte des éléments de réponse.
Mettre à l’arrêt Cattenom, cela entraînera des pannes de courant chez nous : voilà un vieux mythe des pronucléaires du Luxembourg et d’ailleurs. Étude à l’appui, les ministres de l’Énergie et de l’Environnement luxembourgeois-es affirment qu’il n’en est rien. Dans un communiqué cosigné par leurs homologues de Rhénanie-Palatinat et de la Sarre, Claude Turmes, Carole Dieschbourg, Anne Spiegel et Anke Rehlinger affirment : « La sécurité d’approvisionnement est assurée en cas de fermeture de Cattenom, de surcroît, un rééquipement de la centrale est possible. »
Quelques jours avant le 35e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (26 avril 1986), le ministère de l’Énergie luxembourgeois a publié l’étude « Auswirkungen einer Abschaltung des Kernkraftwerks Cattenom auf die Versorgungssicherheit in der Region », effectuée par le bureau d’études Consentec et analysant les conséquences d’une mise à l’arrêt de la centrale de Cattenom. Les quatre ministres assurent en effet que « l’électricité doit non seulement être sûre et propre, mais aussi disponible en quantité suffisante », en renvoyant au fait que la décarbonisation pousse à électrifier de nombreuses formes d’utilisation d’énergie, comme la circulation automobile.
Sortir du nucléaire, surtout « près de chez nous »
D’après l’étude, le réseau de haute tension bien intégré et approvisionné en Europe de l’Ouest ainsi que les possibilités de compenser les effets d’une fermeture à brève échéance font que des goulots d’étranglement sont peu probables. Les expert-e-s mentionnent également la possibilité de reconvertir les générateurs de la centrale en déphaseurs (« Phasenschieber »), afin de contribuer à stabiliser le réseau – comme cela a été fait après l’arrêt de la centrale de Biblis en Allemagne.
« L’Allemagne montre la voie et prouve qu’un pays moderne et industrialisé peut sortir du nucléaire », estime Carole Dieschbourg. Mais pour les ministres de la Grande Région, il s’agit moins de convertir l’establishment pronucléaire français que de le convaincre de fermer en priorité la centrale la plus « près de chez nous ». Renvoyant à l’intention déclarée de Paris de fermer plusieurs centrales, il et elles mettent en avant que « Cattenom peut faire partie de ces installations mises à l’arrêt en priorité ». Surtout que la prolongation de l’exploitation au-delà de 40 ans, envisagée par la France, est controversée : pour les quatre ministres, « d’après la convention internationale d’Espoo, une prolongation ne peut être accordée sans étude d’impact transfrontalière ».
Tchernobyl, toujours ignoré par la France ?
Le communiqué rappelle également que RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, estime qu’un approvisionnement 100 pour cent renouvelable est techniquement possible. Hélas, le zèle propagandiste des auteur-e-s du communiqué fait qu’on oublie de mentionner que cette possibilité n’est envisagée qu’à l’horizon 2050. Une lecture attentive du rapport de Consentec révèle d’autres aspects « oubliés » dans le communiqué. Ainsi, une fermeture de Cattenom n’est guère considérée comme envisageable avant 2025, et les nouvelles installations éventuellement nécessaires pour combler le déficit seraient des turbines à gaz – pourtant combattues par les écologistes au niveau européen.
Se référant à Tchernobyl, les auteur-e-s du communiqué concluent cependant sur une évidence : « Ce qui est incontestable, c’est le facteur principal de l’accident : le manque de contrôle sur la technologie nucléaire. Les humains ne maîtrisent pas la technologie nucléaire. »