Le gouvernement vient de retoquer une proposition de loi de Déi Lénk visant à interdire l’enfermement de mineur-e-s au centre de rétention – prouvant ainsi que la volonté d’expulser les indésirables lui importe plus que la Convention internationale relative aux droits des enfants (CIDE).
Si la coalition semble sur la bonne voie pour interdire définitivement l’emprisonnement de mineur-e-s dans ses centres pénitenciers réservés aux adultes, les enfants de réfugié-e-s pourront très bien être privé-e-s de leur liberté – même en n’ayant commis aucun crime. Depuis l’ouverture du centre près du Findel, la possibilité d’y enfermer des enfants avec leurs familles existe. Elle a même été étendue en 2017 : depuis cette date des mineur-e-s peuvent être « retenu-e-s » jusqu’à sept jours, au lieu de trois précédemment. Si le gouvernement ne veut pas donner les chiffres exacts des mineur-e-s qu’il a « retenu-e-s » avec leurs parents, l’Ombuds-Comité fir d’Rechter vum Kand (ORK, remplacé par l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher en 2020) avance le chiffre de 48 enfants pour l’année 2016 dans un de ses rapports.
Or, un tel enfermement peut avoir des effets traumatisants sur le développement d’un enfant, ceci alors qu’il n’a commis aucun délit, sinon celui d’être né au mauvais endroit et au mauvais moment. Ce ne sont pas uniquement Déi Lénk qui le disent, mais aussi le Comité pour le droit des enfants des Nations unies chargé de surveiller la mise en place de la CIDE : « La détention d’un enfant au motif du statut migratoire de ses parents constitue une violation de droits de l’enfant et est contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. » Le même Comité estime alors que ce type de pratique « devrait être interdit dans la loi et cette interdiction devrait être pleinement mise en œuvre dans la pratique. »
La Convention internationale relative aux droits des enfants – pas contraignante
Déi Lénk citent encore des observations similaires du Conseil de l’Europe, de l’Unicef et du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugié-e-s (UNHCR), ainsi que des prises de position nationales comme celles du Collectif Réfugié-e-s et de l’ORK. De plus, le parti rappelle au gouvernement son propre programme de coalition qui prévoit des « structures semi-ouvertes en tant qu’alternatives à la rétention », une promesse toujours pas réalisée. Rappelant que leur proposition de loi s’inscrit dans cette volonté, Déi Lénk ont soumis un texte qui interdit pleinement l’admission de mineur-e-s, accompagné-e-s ou non, au centre de rétention.
L’argument du gouvernement pour refuser la proposition de loi est plutôt mou : « Les auteurs de la proposition de loi se basent sur des textes qui sont juridiquement non-contraignants alors qu’aucune norme législative, qu’elle soit de droit international, européen ou national ne prévoit une interdiction pure et simple du placement en rétention de mineurs », peut-on y lire. Ce qui fait bondir le député Déi Lénk David Wagner, qui avait soumis la proposition à la Chambre en juillet 2020 : « C’est un argument fallacieux : car interdire la détention d’enfants n’enfreindrait aucune règle contraignante non plus. » Wagner s’en prend aussi à une autre ligne de défense du gouvernement. Pour s’expliquer, ce dernier avance que « tout en mettant l’accent sur le retour volontaire de personnes en séjour irrégulier, [le gouvernement] estime que lorsque des familles avec enfants refusent catégoriquement l’option du retour volontaire, le placement en rétention de ces familles devient malheureusement inévitable » « J’ai un gros problème avec la notion de ‘retour volontaire’ », rétorque Wagner, « Pour moi c’est orwellien : je peux partir en vacances de façon volontaire, mais retourner au pays que j’ai fui pour bâtir une meilleure existence pour moi et ma famille, ça n’a rien de volontaire – au contraire, c’est une contrainte. »
Certes, le gouvernement dit toujours souhaiter créer une « structure fermée spécifique », comme celle de Zeist aux Pays-Bas, visitée par les député-e-s. Or, l’ONG Global Detention Project, qui surveille les conditions de rétention et de détention des immigré-e-s à travers le monde, note dans sa fiche sur Zeist que le « Security Regime » de la facilité est à considérer comme « Secure » – et donc non ouvert. Quoiqu’il en soit, jusqu’à la création d’un tel centre, le gouvernement estime que la rétention d’un-e mineur-e « doit rester une option pour l’État » – et argumente même le cas de figure « où il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant de regagner son pays d’origine ». En tout, les Nations-Unies sont bien pratiques quand l’Unesco permet à notre patrimoine d’attirer des touristes, ou à notre grande-duchesse de se profiler comme bienfaitrice – mais quand ces mêmes organisations veulent empêcher que des enfants innocents se retrouvent derrière des barreaux, c’est bien autre chose.