Accueillir mieux les réfugié-e-s, mais pas tou-te-s. Le LSAP opte-t-il pour ses valeurs humanistes ou pour des concessions au populisme antiréfugié-e-s ? Bilan après présentation du programme et du papier de position (résumé : Die LSAP und die Flüchtlinge).
« L’humanisme est indivisible. » Slogan syndical lors d’une manif à Vienne en 2015. (Wikimedia / Haeferl / CC BY-SA 3.0)
Le LSAP est-il le grand méchant loup de la politique d’asile ? Après avoir consulté son programme (LSAP-Wahlprogramm), c’est l’impression qu’on pouvait avoir. Dès le premier alinéa du passage consacré à la politique d’asile européenne, le parti suggère qu’à part celles et ceux dignes d’une protection, les réfugié-e-s seraient complices de la traite des êtres humains.
De surcroît, sous le titre « Intégration des bénéficiaires de protection internationale », le LSAP cherche aussi à justifier une vision restrictive à l’égard des réfugié-e-s : « Afin de maintenir l’efficacité de notre système d’asile et d’éviter les abus, le renvoi dans leurs pays d’origine de demandeurs d’asile déboutés et de personnes sans droit de séjour est nécessaire. » Un argument qui pourrait également émaner de la droite du CSV ou de l’ADR.
Traitement humaniste des réfugié-e-s
Pourtant, la pratique du ministre de l’Immigration socialiste Jean Asselborn, contrairement à celle de Luc Frieden, a été perçue comme relativement souple et humaine. Et puis, à la mi-août, le LSAP a consacré une conférence de presse au sujet, et a présenté une orientation politique bien moins répressive que ce que le programme pouvait laisser craindre (LSAP et asile 2/4).
En mettant notamment l’accent sur la nécessité de voies d’immigration légale, les socialistes se démarquent clairement du populisme antiréfugié-e-s qui fait des ravages dans les pays voisins. Par ailleurs, les nombreuses mesures pratiques devant conduire à une amélioration de l’accueil et de l’intégration des demandeur-se-s d’asile laissent l’impression que le LSAP est sérieux quand il se prononce pour une politique d’asile « humaniste » (LSAP et asile 3/4).
Cela dit, de nombreux flous persistent. Il n’est pas clair dans quelle mesure d’autres réfugié-e-s, notamment celles et ceux qui fuient une guerre – et qui ne tombent pas sous la convention de Genève – pourront bénéficier d’une protection subsidiaire. Et si réclamer la réforme de Dublin est une bonne chose, le LSAP se garde bien de dénoncer la politique actuelle de l’Union européenne, coupable de la mort de milliers de réfugié-e-s en Méditerranée.
Crise de valeurs de la social-démocratie
Cela est symptomatique de la crise que traverse actuellement la social-démocratie – et qui est aussi une crise de valeurs. Non pas que ce mouvement politique aurait abandonné d’un seul coup ses valeurs issues des Lumières, l’humanisme et l’universalisme. Mais, comme l’illustre l’expression « politique d’asile humaniste et réaliste », elle hésite entre défendre ces valeurs, notamment contre la droite populiste, et les trahir. En effet, les partis sociaux-démocrates ne peuvent ignorer qu’une large partie de leur électorat est sensible aux discours sur la menace – économique, sociale, culturelle ou sécuritaire – que représenteraient les réfugié-e-s.
D’un côté, le LSAP a donc intégré à ses positions des passages signifiant « on vous protégera contre les abus du droit d’asile ». D’un autre côté, les nombreuses propositions pratiques et le simple fait d’aborder la politique d’asile de manière volontariste signalent que le parti tient à ses valeurs humanistes. Sur ce point, on ne peut que féliciter son courage politique et espérer que d’autres partis lui emboîtent le pas.
