Quel avenir pour Liberty Steel à Dudelange ?

L’avenir de l’usine Liberty Steel à Dudelange sera au centre des discussions de la commission parlementaire de l’Économie qui se réunit ce jeudi 22 avril. La faillite de GFG Alliance, sa maison-mère, n’est plus écartée. Le sauvetage du site luxembourgeois passerait dès lors par un repreneur ou une nationalisation, cette dernière idée faisant son chemin dans plusieurs pays européens où le groupe est implanté.

L’usine d’aluminium de Dunkerque, – encore – propriété de Liberty Steel. (© Liberty Steel)

Peu de monde semble encore prêt à parier sur l’avenir de Liberty Steel. Le sidérurgiste et sa maison-mère GFG Alliance sont au bord de l’effondrement depuis l’annonce, le 8 mars, de la faillite de Greensill Capital, son principal financier. Cette faillite a mis en lumière l’extrême fragilité et l’opacité financière du groupe fondé et dirigé par Sanjeev Gupta. En moins de dix ans, l’homme d’affaires anglo-indien s’est massivement endetté pour constituer un empire sidérurgique, dont fait partie l’usine de galvanisation de Dudelange, acquise il y a moins de deux ans.

L’avenir du site luxembourgeois et de ses 300 salariés directs et indirects sera à l’ordre du jour de la commission parlementaire de l’Économie, ce jeudi 22 avril au matin. Le ministre de l’Économie, Franz Fayot, informera les député-e-s sur l’état des négociations qu’il mène depuis plusieurs semaines pour assurer la pérennité de cette usine dont l’activité est rentable et bénéficie actuellement des cours élevés de l’acier. Contacté par le woxx, le ministère de l’Économie reconnaît « la complexité de la situation » et certifie qu’il s’emploie à « trouver la meilleure solution possible dans l’intérêt de l’usine Liberty Steel de Dudelange et de ses employés ».

Dans cette affaire, le premier interlocuteur de Franz Fayot demeure Sanjeev Gupta. L’homme d’affaires aux activités diversifiées continue à clamer qu’il trouvera de nouvelles sources de financement, alors même que son groupe est endetté à hauteur d’au moins cinq milliards d’euros. La faillite de Greensill Capital a de surcroît révélé qu’une partie des emprunts avaient été contractés par GFG Alliance sur la foi de fausses factures. Autant dire que l’horizon s’assombrit de plus en plus pour Sanjeev Gupta et ses 35.000 salariés dans le monde. « Dans les autres pays, le scénario de la faillite des sites semble être envisagé », assure Stefano Araujo, du syndicat sidérurgie et mines de l’OGBL. « Je pense qu’aucun pays ne veut injecter de l’argent dans un site pour qu’il disparaisse dans les poches de Gupta ou Grant Thornton », l’administrateur de Greensill Capital, nommé par la justice britannique.

De considérables aides publiques

L’annonce de la faillite de son principal financeur a montré que Liberty Steel fonctionne depuis un an grâce à de considérables aides publiques versées dans le cadre de la crise sanitaire. Selon les informations du woxx, le groupe a bénéficié au Luxembourg d’un prêt de 20 millions garanti par l’État, lui permettant de payer ses fournisseurs et les salaires. Au Royaume-Uni, ce sont 400 millions de livres d’argent public qui auraient été versés à GFG Alliance, grâce notamment au lobbying de l’ancien premier ministre David Cameron, dont l’intervention dans ce dossier fait l’objet d’une enquête parlementaire. En France, 18 millions de prêt garanti par l’État aux Fonderies du Poitou, rachetées en 2019 par Liberty Steel, se sont évaporés vers Greensill Capital.

La confiance des gouvernements en Sanjeev Gupta s’est considérablement érodée et, pour Dudelange, le sauvetage pourrait passer par un repreneur du site qui, au passage, fournirait de précieuses liquidités qui font aujourd’hui défaut à Liberty Steel. Mais encore faut-il trouver rapidement ce repreneur providentiel.

À défaut, une autre option serait une nationalisation du site, y compris partielle aux côtés d’un investisseur privé. « Si Gupta n’est pas en mesure de mettre l’argent sur la table, le gouvernement doit prendre ses responsabilités au niveau national et entrer au capital », affirme Stefano Araujo. « La reprise après faillite ou gestion contrôlée semble la plus logique et la moins onéreuse », veut croire le syndicaliste de l’OGBL, pour qui « on peut envisager une nationalisation temporaire ou une reprise partielle avec un repreneur ». « Cela peut se faire par une entrée de la SNCI au capital, c’est-à-dire une gestion contrôlée, mais sans payement de dividendes aux actionnaires et de bonus aux dirigeants », complète-t-il.

Le schéma d’une nationalisation des sites de Liberty Steel fait en tout cas son chemin dans plusieurs pays d’Europe, à commencer par le Royaume-Uni. Conservateurs au pouvoir et travaillistes dans l’opposition sont de plus en plus nombreux à plaider pour cette solution au nom de la souveraineté économique du pays, alors que Liberty Steel est devenu un acteur majeur de l’industrie sidérurgique britannique.

En France aussi, la solution d’une nationalisation, au moins temporaire, n’est pas écartée. D’autant que « le groupe français est rentable, mais avec un patron qui n’est pas solvable », constate Philippe Verbeke, coordinateur national pour la filière sidérurgie du syndicat CGT. Dans l’Hexagone, Liberty Steel détient trois sites particulièrement performants : l’usine d’aluminium de Dunkerque, la première en Europe pour sa capacité de production, l’aciérie électrique Ascoval dans le Nord, une des plus modernes du continent, et l’usine de rails d’Hayange, considérée comme stratégique par l’État. À l’instar de son homologue luxembourgeois, Philippe Verbeke, appelle le gouvernement français « à ses responsabilités » en plaidant pour une nationalisation au moins temporaire.

Depuis un an, la crise sanitaire a obligé les États à intervenir massivement pour soutenir leurs économies et révélé leur extrême dépendance à la mondialisation marchande. Dans ce contexte, l’idée de nationalisation n’est plus frappée du tabou dans lequel l’avaient enfermée des décennies de politique néolibérale.


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