One Planet Summit et finance verte : Tu ne pécheras plus !

Bidon, le sommet climatique d’Emmanuel Macron ? Aux promesses un peu creuses des élites s’opposent les critiques parfois constructives de la société civile.

Une finance 100 % verte ? La recommandation des extraterrestres lors de la COP21 garde toute sa valeur deux ans plus tard. (Photo : Raymond Klein)

Paris, décembre 2017. « Un mouvement naît, et tournera cette crise dans une transition juste, appelant à ne pas céder un euro de plus aux énergies du passé. » Ce constat, cité par la revue Politis, est le résultat d’une journée de discussions entre des acteurs de la lutte contre le changement climatique venus du monde entier. Hélas, il ne s’agit pas du fameux One Planet Summit, auquel Emmanuel Macron avait convié les élites politiques et économiques.

Tribunal ou sommet ?

Bien au contraire : la Banque mondiale, co-organisatrice du sommet du 12 décembre, s’est retrouvée sur le banc des accusés du « Tribunal des impactés par la finance climaticide » qui a eu lieu deux jours plus tôt et dont l’article de Politis rend compte. Un militant écologiste venu du Bangladesh détaille les conséquences de la construction d’une centrale à charbon à Rampal : « [Elle] rejettera 80 tonnes de CO2, engendrera l’abattage de 340 millions d’arbres et polluera l’environnement au soufre et à l’arsenic. » La Banque mondiale finance en partie ce projet, alors qu’il est contraire à la sauvegarde de la biodiversité, puisqu’il menace un écosystème précieux, une grande forêt de mangroves située à proximité. Au tribunal symbolique, organisé par des ONG comme Attac et 350.org, les exemples d’acteurs financiers et industriels impliqués dans des projets menaçant le climat et les conditions de vie des populations locales sont nombreux : centrale hydroélectrique au Guatemala, extraction de pétrole des sables bitumineux en Alberta (Canada), construction d’un grand gazoduc au Roussillon.

Le One Planet Summit a-t-il alors été un sommet bidon ? Le woxx avait relevé la semaine le reproche qu’il pourrait s’agir de greenwashing, et que Macron présenterait une série d’initiatives positives afin de faire oublier que le réchauffement climatique est plus menaçant que jamais ? Cela n’a pas été le cas, en tout cas pas au niveau du discours qu’a tenu le président français. « On est en train de perdre la bataille, (…) on ne va pas assez vite », a martelé Macron. Puis il a insisté pour que parlent tous ceux qui ont un nouvel engagement à présenter – « ce que nous entamons aujourd’hui, c’est le temps de l’action ».

Des engagements, il y en a eu. Ainsi la Banque mondiale a promis de ne plus soutenir, sauf cas particulier, des projets de charbon et de pétrole de sables bitumineux à partir de 2019. Du côté des 127 chef-fe-s d’État et de gouvernement présent-e-s, le journal Libération relève tout de même de nombreux engagements pas si nouveaux que ça. Par ailleurs, on comptabilise aussi l’adhésion d’entreprises au principe de transparence sur les risques financiers liés au changement climatique. Que les dirigeant-e-s d’entreprises et les investisseur-e-s se rendent compte de ce type de risques est sans doute une bonne nouvelle, dont il a déjà été question dans le woxx. Mais l’engagement à la transparence ressemble un peu à la promesse d’un-e chrétien-ne de se confesser, à défaut de celle de ne plus pécher.

Macron, visionnaire mais presbyte

Quant aux engagements de la France, ont-ils été exemplaires ? Officiellement, le pays viserait la décarbonisation complète en 2050, un objectif jugé nécessaire par la communauté scientifique, mais qu’hésite par exemple à adopter l’Union européenne dans son ensemble (voir l’article du woxx de la semaine dernière). Pour ce qui est du court et du moyen terme, le président est malheureusement resté muet. Décidera-t-il l’abandon de projets liés à la croissance des émissions comme l’aéroport de Notre-Dame des Landes ? La France se donnera-t-elle un objectif CO2 plus ambitieux pour 2030 ? Enfin, le discours de Macron a envisagé les transformations nécessaires sous un angle scientifique et économique, laissant de côté les enjeux de justice sociale qu’elles comportent sur le plan national et international.

(Photo : COP21 par Raymond Klein)

Le Luxembourg ne pouvait pas manquer à l’appel de cette « coalition des coalitions, celle des acteurs », comme l’a désignée – humour involontaire ? – Emmanuel Macron dans son discours final. Et alors que la communication officielle sur le One Planet Summit a mis l’accent sur les acteurs politiques et les discours d’espoir pour nos enfants, le grand-duché s’est plutôt intéressé à l’autre face de cette rencontre. « Le sommet (…) a traité plus particulièrement des questions de financement des actions climat et de l’alignement des flux financiers afin de permettre d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris », est-il précisé dans le communiqué du ministère d’État.

Recommandations pour le Luxembourg

Xavier Bettel y a ainsi présenté des engagements – pas tout nouveaux non plus – dans le domaine de la finance verte. Des annonces qui « illustrent les efforts (…) qui visent à établir le Luxembourg comme centre international de la finance durable, en créant un écosystème exemplaire pour contribuer significativement à la lutte internationale contre le changement climatique ». L’écologie au service de la place financière, en quelque sorte.

Alors, côté finance, on est dans le vert ? Pas vraiment, si l’on en croit le rapport publié par Attac France à l’occasion du sommet. Mais la réponse à la question que pose le titre du document – « La finance verte est-elle vraiment verte ? » – n’est pas non plus un simple non. Attac rappelle que les financements nécessaires à la transition énergétique sont immenses et que « ces besoins interviennent dans un contexte de disette budgétaire et de désengagement progressif des États ». L’ONG critique également que « [le] fonctionnement du marché des obligations vertes (…) n’apporte pas assez de garantie et ne permet pas d’exclure le financement de projets qui ne sont pas climato-compatibles ».

Mais les recommandations du rapport ne font pas vraiment dans l’anticapitalisme idéologique : réguler le marché, créer une agence de notation pour la finance verte, créer des canaux de financement pour des acteurs qui n’ont pas accès au marché obligataire. Enfin, de manière plus ambitieuse, Attac propose de « rendre l’ensemble du marché obligataire mondial climato-compatible ». Le capitalisme financier soumis aux exigences de la transition ? Si, et seulement si, il veut bien se laisser faire.


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